Comme chaque année, l’Association de test d’aptitude à l’écriture a publié en décembre dernier le résultat du vote du caractère chinois représentatif de l’année qui s’achève. Avec 4,34% des voix, le kanji 2015 est ainsi 安, à lire le plus souvent « an » ou « yasu ». Cet élément graphique, calligraphié comme de coutume par un moine au temple Kiyomizu-dera à Kyôto, revêt des significations différentes, selon les termes qu’il compose. Pourquoi a-t-il remporté la majorité des voix ?

©Adryen 2016
©Adryen 2016

Suite à l’annonce du kanji de l’année, on pouvait lire plusieurs interprétations sur la toile. Karyn Nishimura-Poupée, journaliste de l’AFP basée à Tôkyô, a publié sur Twitter le 15 décembre : « L’idéogramme de 2015 au Japon « an » 安 (sûreté, sécurité), allusion aux lois controversées sur la sécurité nationale adoptées cette année ». Deux jours plus tard, le Premier ministre japonais Shinzô Abe, dont le nom de famille est d’ailleurs composé de ce caractère de l’année, a déclaré sur le même réseau social : « Le kanji de l’année « 安 » (paisible) a été sélectionné par un vote populaire. Je travaillerai dur pour que tout le monde puisse vivre paisiblement ».

Cela se limite-t-il à la sécurité nationale et à la paix ? Quelles ont été les raisons évoquées par l’Association elle-même ? La première concerne évidemment ces lois de défense et de sécurité (安保関連法) voulues par Shinzô Abe, qui ont été contestées par une partie de la population. Les protestations, qui ont atteint un pic fin août 2015, avec un rassemblement de 120 000 personnes à Tôkyô et 25 000 à Osaka selon les organisateurs, visaient la réinterprétation de l’article 9 de la Constitution. En vain puisque le texte sur la sécurité et la défense nationale, validé par la Chambre des députés le 16 juillet, a finalement été adopté comme loi par le Sénat, en séance plénière, dans la nuit du 18 au 19 septembre. En dépit d’une majorité de citoyens contre cette législation, comme l’ont montré trois sondages parus le lendemain dans les principaux quotidiens nationaux, le Japon pourrait ainsi recourir dans le futur à la force armée, par exemple si la nation est en danger ou si un allié subit une attaque.

Mais rester fixé à cet événement, d’ampleur mais hypermédiatisé, écrasant par-là d’autres actualités pertinentes, ne paraît pas judicieux. C’est que le vote de ce kanji reflète également l’inquiétude (不安) suite à certains événements tragiques qui ont marqué 2015. Il s’agit d’abord de l’exécution des otages japonais Kenji Goto et Haruna Yukawa par le groupe État iIslamique, incitant Tôkyô à renforcer son dispositif de vigilance et de sécurité des citoyens nippons installés à l’étranger. Il est aussi question de l’inquiétude face aux désastres naturels, qui ont encore frappé l’Archipel, et plus particulièrement ces inondations au nord-est de Tôkyô en septembre. Le débordement de la rivière Kinu, littéralement « colère du démon », a entraîné de nombreux dégâts, humains et matériels, notamment dans la ville de Jôsô.

Le kanji fait par ailleurs référence à la menace de la sécurité (安全) des habitants, notamment dans le cadre de la falsification de données par une société de construction. En octobre, Asahi Kasei Corporation a ainsi avoué la falsification de documents concernant le support de certains bâtiments construits ces dernières années. Les piliers qui sont censés assurer la stabilité d’un immeuble à Yokohama, ville par ailleurs très exposée au risque sismique en raison de la nature de son terrain, n’ont pas été installés correctement, mettant en danger la vie des habitants. Après enquête, il s’est avéré que d’autres structures, dont des établissements scolaires, sont concernées. Cette affaire n’est d’ailleurs pas sans rappeler la falsification de documents par la société Toyo Tire & Rubber au sujet des isolateurs en caoutchouc dans certains bâtiments, remettant en cause leur résistance face aux tremblements de terre.

Plus légèrement, l’un dix termes marquants de l’année 2015, selon le classement établi annuellement depuis 1984 par la revue japonaise The Encyclopedia of contemporary words, est aussi lié à cette notion. Il s’agit de l’expression d’un jeune comédien japonais, Tonikaku Akarui Yasumura, qui a fait le buzz en 2015 avec son slogan « Soyez tranquilles ; j’en porte un [de slip] » (安心してください.穿いてますよ.), qu’il prononce après s’être mis dans une position cocasse où le public le croit totalement dénudé.

Par Jean-François Heimburger, journaliste

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