, En passant par Yokohama

L’Afrique fait l’objet de beaucoup d’attention au plan international depuis le constat avéré et accablant de sa paupérisation persistante alors même que d’autres parties du monde post 1945 connaissaient une ère de relative prospérité économique dans la deuxième moitié du 20ème siècle. Si cette bienveillance tout à fait réelle ne porte pas encore les fruits savoureux qu’on est en droit d’espérer, il convient néanmoins de la reconnaître et de lui rendre justice : les défis à relever pour inverser la tendance historique sont tellement énormes désormais que ça ne se fera pas en un clin d’oeil. De cette pléthore d’instances agissantes et dédiées au sort du berceau de l’humanité, il en est une, plutôt discrète, mais singulièrement efficace, qui mérite de ce fait amplement considération : la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique ou Ticad. La Ticad est une initiative stratégique lancée par le gouvernement japonais en 1993 et conçue comme un cadre de concertation politique de haut niveau entre les dirigeants africains et leurs partenaires dans le domaine du développement.

L’appropriation
Le credo de Tokyo est formel : il n’y aura pas de stabilité dans le monde tant que les problèmes de l’Afrique ne seront pas réglés. Et pan : “ Enfoncez-vous ça dans la tête ! ”. Pas étonnant donc que le Japon soit de loin le champion des donateurs parmi les pays du G8, quant à ce qui est de l’aide publique au développement. On peut penser que la démarche nippone est éclairée par l’odyssée historique d’un pays peu nanti en ressources naturelles et qui était encore passablement “ arriéré ” au début de la révolution industrielle en Europe, qui s’est pris coup sur coup les deux premières bombes atomiques de l’Histoire, et qui fait dorénavant partie pourtant du club le plus huppé de la planète. Est-ce que cette trajectoire certes admirable est réplicable ou calquable as such ?
Prenant solennellement la parole à l’ouverture de la Ticad IV le 28 mai dernier, le Pm japonais a, en tout cas, suggéré aux Africains de se référer à cette trajectoire singulière. En insistant lourdement sur un aspect ô combien crucial : l’appropriation. Avec le partenariat, c’est l’autre principe directeur de la Ticad. C’est elle, cette “ appropriation ”, qui manque probablement le plus aux communautés africaines tant rurales qu’urbaines. Force est en effet de dire que jusqu’à présent, moult interventions extérieures ayant eu lieu sur le mode du greffage n’ont tout simplement pas “ pris ”. Exactement comme un anticorps, spécimen de non-soi, se heurte au système immunitaire d’un organisme. Le quasi naufrage calamiteux de la philosophie des “ micro-projets ” tient basiquement à cette carence. Il n’y aurait donc pas que la rareté des ressources financières, leur mauvaise allocation, et/ou leur distraction qui soit en cause dans la mouise chronique de l’Afrique.

La sécurité humaine
Tout l’intérêt de la Ticad, c’est qu’elle est portée par l’esprit d’un peuple fier et féru de grandeur à travers les siècles, mais qui sait bien aussi ce que c’est que l’humilité, cette valeur si fondamentale des cultures bouddhistes. Avec Nagasaki et Hiroshima gravés en prime dans la mémoire vive de la nation. Il faut pouvoir renaître au sortir d’un tel traumatisme. Saisons après saisons. Et il faut tâcher aussi bien de ne pas s’enfermer même inconsciemment dans ses séquelles psychiques à l’échelle collective, qui est celle du temps de l’Histoire. De ce point de vue, il découle alors immédiatement que le Japon contemporain est carrément un “ modèle ” au sens des informaticiens qui se délectent de simuler la réalité jusque dans ses plis et ses replis.
En droite ligne de ceci, la Ticad IV a mis sur orbite globale un nouveau concept politique : la sécurité humaine. Dans les termes du Plan d’Action de Yokohama, il s’agit mot pour mot de “ construire des sociétés dans lesquelles les peuples sont protégés des menaces envers leurs vies, leurs moyens d’existence et leur dignité et sont en mesure de réaliser la totalité de leur potentiel. ” La Déclaration, elle, parle des “ vertus de se libérer de la peur et du manque ”. En ligne de mire de ces saisissants énonces : l’autonomisation des communautés et des individus. Sachant que peur et manque furent de tous âges historiques les chenilles sans état d’âme du pesant char blindé de l’asservissement et de l’écrasement sans fin des peuples, on mesure l’ambition qui court en filigrane du carnet de route de la Ticad IV.
Par ces temps on ne peut plus inouïs de flambée des prix des produits alimentaires sur la planète et (disons pour faire court), de sévère crise du risque dans la finance mondiale, ce concept de “ sécurité humaine ” est assurément le bienvenu et fait entendre sur un autre registre ce que celui si éreinté des “ droits de l’homme ” peine décidément à faire passer sous certains cieux où les dirigeants ne jurent que par leur peu de souci justement de la sécurité humaine ainsi formulée. L’abject traitement par la junte militaire de la population birmane sinistrée après le passage dévastateur du cyclone Nargis en est sous nos yeux l’illustration la plus scabreuse et odieuse. On peut certainement en dire autant du Zimbabwé meurtri de Robert Mugabé, et le doux Joshua Nkomo doit se retourner à tout bout de champ dans sa tombe de héros national.

Yokohama
Le Japon : Sony & Co, rime avec efficacité, rigueur, innovation, incontestablement, et sa place souveraine dans la lice mondiale aujourd’hui est un projet que porte l’ensemble de la société dans l’archipel. Il n’y avait guère que la Bombe pour briser ce nationalisme en 1945. Les acquis de la Ticad confirment ce pragmatisme nippon. A l’instar d’une nouvelle variété de riz obtenue à partir du croisement d’espèces africaines et asiatiques : le Nerica est réputé résister aux adventices, aux déprédateurs, et avoir une teneur élevée en protéines. La timide pénétration des Tic dans notre pays est redevable à la Ticad. Il se pourrait bien alors, dans ce sillage, que le futur de l’Afrique passe par Yokohama. Après avoir tant transmis à ses voisins immédiats, le Japon nous tend la perche. Sans arrières pensées ? Va savoir…

Par Lionel Manga

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