Inquiètes de la multiplication des travailleurs pauvres, les autorités japonaises incitent les 47 préfectures du pays à augmenter le salaire minimum. Le 6 août, une commission gouvernementale a demandé une hausse de 15 yens (0,08 euro), variable selon les préfectures et actuellement à 687 yens (4,07 euros) de l’heure. Pour la deuxième année consécutive, la recommandation dépasse les 10 yens (0,06 euro).

Ces années de stagnation ont provoqué plusieurs problèmes. Dans douze préfectures, dont Tokyo, les employés au salaire minimum touchent moins que les bénéficiaires d’aides sociales.

Pour les entreprises confrontées à la crise, le recours à des employés peu payés a constitué un avantage, qui s’est ajouté à une législation du travail de plus en plus souple. Mais une partie grandissante de la population vit dans des conditions de plus en plus difficiles, ce qui se traduit par des frustrations et des actes de violence.

Le 8 juin, Tomohiro Kato, un garçon de 25 ans, a tué sept personnes et en a blessées dix à Tokyo. Diplômé de mécanique automobile et intérimaire, il ne parvenait pas à décrocher un CDI. Ce manque de reconnaissance, ajouté à des difficultés relationnelles, a alimenté une amertume qu’il exprimait sur son blog. « Personne n’a-t-il besoin de moi ? écrivait-il. Non, je vous assure qu’il n’y a personne. Je veux mourir. (Ma vie) vaut moins qu’une poubelle. »

Son acte a attiré l’attention sur les travailleurs exclus des postes à durée indéterminée. 11,4 millions de personnes – 34 % de l’ensemble des actifs – sont employées à temps partiel, par intérim ou à durée déterminée. Ces précaires ne représentaient que 18,3 % de la population active en 1988 et 23,6 % en 1998.

« Après l’éclatement de la bulle en 1991, les entreprises ont dû réduire leur personnel, explique Kazuya Ogura, chercheur de l’Institut japonais pour la politique du travail et la formation. Elles sont toujours sous pression pour diminuer les coûts salariaux. »

« FREETERS » CONTRE « SALARYMEN »

Le Keidanren, syndicat patronal, a fait pression sur le gouvernement, et les garde-fous qui encadraient l’emploi précaire ont peu à peu disparu. En 2003, l’éventail des métiers accessibles aux intérimaires a été élargi à l’industrie. La limite de durée des contrats est passée de un an à trois ans.

Certains jeunes, hostiles au modèle traditionnel du « salaryman », choisissent de devenir « freeters » (contraction de « free » et d' »Arbeiter) et de ne vivre que de petits boulots. Des femmes, désireuses de compléter le revenu de leur mari, s’engagent dans des postes à temps partiel.

Mais nombre de précaires, comme Tomihiro Kato, souffrent de leur situation et d’une rémunération à peine supérieure au salaire minimum. « En général, le salaire horaire d’un travailleur non régulier équivaut à 60 % de celui d’un salarié en CDI », précise M. Ogura. Il ne bénéficie pas des bonus versés tous les six mois au personnel en CDI. M. Ogura regrette que les entreprises privilégient la rémunération des actionnaires par rapport à celles de leur personnel.

Depuis avril 2008, la loi sur le temps partiel interdit toute discrimination, notamment de salaire, entre travailleurs occupant des postes similaires. Mais le contrôle de son application reste difficile.

Peu d’employés non réguliers peuvent espérer obtenir un emploi stable (réservé aux jeunes recrutés à la sortie de l’école et formés par l’entreprise), même si le pays connaît une pénurie de main-d’oeuvre. « L’économie japonaise ralentit, note Atsushi Seike, de l’université Keio. Cela se répercute sur le marché de l’emploi. A l’été de 2007, il y avait 1,06 poste disponible pour un actif. Aujourd’hui, le ratio est à 0,93. Le chômage est passé de 3,6 à 4 %. »

Le gouvernement semble en prendre conscience. Outre les recommandations sur le salaire minimum et la révision de la loi sur le temps partiel, le ministère du travail réfléchit à des mesures incitant les entreprises à proposer des CDI à leur personnel non régulier, au travers notamment de subventions à la formation.
Philippe Mesmer

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