Plusieurs phénomènes se conjuguent au Japon pour faire de la politique une « affaire de famille ». En dépit de son évolution sous le coup du mécontentement des zones rurales – faute de subventions de la part d’un Etat fortement endetté – et du poids de l’électorat flottant des villes, moins fidélisé, le Parti libéral démocrate (PLD) reste l’émanation d’une multitude de clientèles. C’est un parti omnibus rassemblant les différents courants du conservatisme – de la droite au centre gauche –, dans lequel l’idéologie compte moins que les intérêts que représentent ses élus.

Sans réseaux solides pour mobiliser les clientèles, il est difficile de se faire élire et encore plus de devenir un de ses caciques. La pérennité au pouvoir du PLD depuis plus d’un demi-siècle, dont une des conditions est le « chouchoutage » des clientèles, a favorisé la transmission héréditaire des fiefs électoraux.

Les réformes qui ont suivi la défaite de 1945 ont ébranlé les grandes familles propriétaires des conglomérats (zaibatsus) d’avant-guerre et permis à de nouveaux entrepreneurs (Honda, Matsushita, etc.) de se tailler leur place. Ce ne fut pas le cas en politique. Les nouveaux venus ayant accédé aux fonctions de premier ministre sont l’exception. La plupart suivent la voie élitiste : grande université et fonction publique. Le PLD, qui au lendemain de la guerre avait comme ferment d’unité de faire barrage à la gauche, puissante à l’époque, a en outre permis de recycler une bonne partie de l’élite d’avant-guerre avec l’aval du mentor américain soucieux de faire de l’Archipel le pivot de sa politique anticommunisme en Asie.

« ENGRAISSER SON FIEF » AU RISQUE DE LE PERDRE

La politique reste au Japon une affaire « terre à terre ». Beaucoup d’électeurs ne se prononcent pas sur les grandes visions qu’affectionnent les politiciens en Occident. Ils ne sont guère sensibles au bling-bling, à la politique spectacle et les envolées sur les « grandes valeurs » les laissent sceptiques sur la sincérité de ceux qui s’en réclament.

Après Kakuei Tanaka, Junichiro Koizumi fut une exception. Populistes tous deux, ils parlaient le langage de l’homme ordinaire et l’électorat avait été séduit (et depuis vingt ans, la battante fille de Tanaka, Makino, est toujours élue haut la main dans la circonscription « familiale » de Niigata). En général, les Japonais votent en fonction de leurs intérêts bien compris : les avantages matériels qu’ils peuvent attendre de leur élu (subventions, travaux publics, conditions de vie).

La clientèle d’un politicien (réseau d’associations professionnelles, entrepreneurs, clubs, sectes religieuses) constitue un « groupe de soutien », c’est-à-dire une machine électorale capable, par ses ramifications, de mobiliser les voix. Le député se doit d' »engraisser son fief » au risque de le perdre. Les enveloppes circulent certes, mais le prestige personnel compte aussi. Les candidats qui viennent de la fonction publique ont un avantage en raison de leurs connexions dans les sphères du pouvoir – ministères, grandes entreprises. La surréglementation favorise ce jeu des influences dans lequel collusion et corruption permettent de passer à travers les mailles bureaucratiques.

Dans un tel contexte, un héritier connu du terrain, et qui est supposé respecter les « dettes » et les promesses de son prédécesseur, bénéficie d’une confiance a priori. Un népotisme qui pèse sur le renouvellement de la classe politique.

Philippe Pons

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