{{Depuis cinq ans, les amateurs de musique japonaise sont invités à voter dans le cadre des French J-Music Awards. Ce grand sondage en ligne est aujourd’hui un excellent indicateur du potentiel commercial des artistes japonais en France. Le fondateur des French J-Music Awards, Kévin Petrement a accepté de répondre à nos questions.}}

{{Japon Infos : que sont les French J-Music Awards ?}}

Kévin Petrement : les French J-music Awards consistent en un grand sondage annuel destiné à évaluer les goûts du public francophone pour la musique japonaise. Ils sont nés en 2005 sur le site v-stuff.net dont j’étais le rédacteur en chef à l’époque. L’idée découle d’un constat simple : il existait un décalage énorme, à l’époque, entre la variété des goûts du public français en matière de musique japonaise et la perception qu’avaient les professionnels et media japonais de ces goûts. En cause : l’explosion du pseudo-« phénomène » [Visual-Kei->http://fr.wikipedia.org/wiki/Visual_Kei].

La démocratisation de l’usage d’Internet et l’expansion de la culture pop japonaise en France au travers du manga, de l’animation, des jeux video ont fortement contribué au développement d’une communauté de passionnés de musique japonaise. Un marché de niche certes, mais très actif, très investi, très connaisseur. Très vite les professionnels du secteur ont pris conscience de l’existence de cette demande. Dans le même temps, les groupes Visual Kei connaissaient un déclin commercial très prononcé au Japon, et c’était donc une aubaine pour eux que de trouver de quoi rebondir à l’étranger : même si ça ne s’avérait pas toujours directement rémunérateur, une tournée à l’étranger restait une excellente promotion pour subsister au Japon : « Nous ne sommes pas si has been que ça, nous avons rempli une salle en France ! ».

L’offre nippone et la demande française, parfois motivée par des intérêts beaucoup plus opportunistes que passionnés, se sont donc facilement rencontrées, aboutissant à une déferlante de concerts et sorties CD Visual Kei en France, dont les échos ont couvert le bruit que pouvaient faire les fans d’autres styles musicaux japonais.

Il m’a alors semblé important, en tant que responsable d’un des plus gros sites français spécialisés sur le sujet, de contribuer à rééquilibrer un peu la donne ! Le succès des différentes news que mon équipe et moi-même publiions à l’époque au sujet des cérémonies de récompenses musicales japonaises m’a alors donné l’idée d’organiser ces « French J-music Awards », qui ont ensuite perduré sur le site mikan music network (mimu-net, successeur de v-stuff).

Entre temps, le nombre d’artistes japonais qui ont foulé les scènes françaises s’est démultiplié, générant attentes et espoirs nombreux au sein de la communauté des fans. Si bien que quand j’ai fermé mimu-net en 2009, faute de temps pour poursuivre son exploitation avec les exigences de qualité qui étaient ceux de notre équipe, j’ai reçu de nombreux messages me demandant de maintenir l’organisation du sondage. Et je me suis plié à cette demande en faisant prendre leur indépendance aux French J-music Awards, via un site dédié et un tout nouveau système de vote automatisé mis en place pour l’édition 2009.

Il s’agit donc d’une organisation qui reste tout ce qu’il y a de plus amateur, mais la réputation des différents sites auxquels elle a été rattachée, ainsi que le retentissement que les fans et nous-mêmes avons su donner aux résultats, ont permis d’en faire un rendez-vous désormais très attendu par les fans chaque année, et aussi par les professionnels européens et japonais pour qui il s’agit d’un des rares baromètres fiables du marché à disposition.

{{Japon Infos : comment fonctionne cette «compétition» ?}}

KP : c’est en fait assez simple : jusque là j’établissais avec le staff du site auquel le sondage était rattaché une liste de nominés dans un certain nombre de catégories, d’autres étant laissées libres. Cette année le sondage étant indépendant de tout portail rédactionnel, la liste a été constituée avec l’aide des webmasters des sites muge-nihon.com et ongaku-dojo.fr, ainsi qu’un panel de fans consultés pour avis.

Une fois le sondage officiellement lancé, avec cette année le relai bienvenu de nombreux sites, forums et blog francophones, les fans avaient trois semaines pour s’inscrire sur le site www.frenchjmusicawards.com, et une fois leur compte validé, voter directement en ligne dans tout ou partie des catégories.

Le dépouillement des votes est réalisé de manière automatisée sur toutes les catégories soumises à nominations, ne restait donc plus qu’à comptabiliser manuellement le reste des résultats, qui ont été publiés sur le site du sondage mi-février.

Quant aux critères d’établissement des listes de nominés, ils sont bien sûr chaque année sujets à débats. Certains votants se plaignent qu’il y ait encore trop de Visual Kei, d’autres pas assez ; certains qu’une place trop grande soit accordée aux artistes dits « commerciaux » au détriment des artistes indépendants, d’autres au contraire défendant l’idée qu’il faut coller à la réalité du marché japonais…

Il est évident qu’il est de toute façon impossible de satisfaire tout le monde, aussi la liste des nominés est-elle établie sur une combinaison de critères les plus objectifs possibles : les ventes, la présence médiatique au Japon, le succès critique, le buzz auprès du public français, le tout étant équilibré ensuite de façon à ce que chacun puisse se retrouver quelque part dans les résultats.

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Japon Infos : pour nous donner une idée, combien de gens ont voté pour l’édition 2009 ?}}

KP : le site a enregistré cette année plus de 2000 inscrits, un record très satisfaisant compte tenu de la procédure d’inscription et de vote relativement lourde qui est mise en place pour lutter contre les inévitables tricheries. Le fait que le sondage ne soit plus rattaché à un gros site rédactionnel pourvoyeur de visites « faciles » a été bien compensé par le relai qui a été fait par les partenaires web : autres portails, sites de fans, blogs et forums ont répondu présents, et je les en remercie une fois de plus.

Dans une communauté de fans qui reste encore très organisée en petits « clans », le fait de déclarer l’indépendance du sondage était une bonne chose, puisqu’elle a permis de se défaire de toute considération « concurrentielle » sur le plan de la communication. Mais ce chiffre conserve encore une nette marge de progression : j’ai reçu après la clôture des votes de nombreux mails de groupes de fans déçus qui n’avaient pas eu vent de la nouvelle organisation et étaient donc passés à côté du sondage de cette année. Promis, je ferai mon possible pour faire encore bien plus de bruit l’an prochain !

{{Japon Infos : quelles sont les différentes catégories ?}}

KP : elles sont au nombre de 19 donc il serait un peu fastidieux de les citer toutes, mais globalement sont récompensés les meilleurs singles et albums solo féminins et masculins, de groupes avec diverses subdivisions, ainsi que le meilleur DVD live, le meilleur concert en France, la meilleure chorégraphie, les artistes et la révélation de l’année, sans oublier la catégorie la plus prisée : celle de l’artiste ou groupe le plus attendu en France en 2010.

D’une manière générale, j’essaie de renouveler chaque année le sondage en modifiant la liste des catégories, remplaçant celles qui génèrent le moins d’intérêt ou celles dont la pertinence est remise en question par d’autres qui collent plus à l’actualité.

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Japon Infos : quel bilan pourriez-vous faire des résultats de l’édition 2009 ?}}

KP : ce n’est pas nouveau, le marché musical japonais traverse depuis quelques années une crise qui rend les maisons de disques frileuses quant aux prises de risques artistiques. Les labels se raccrochent aux vaches à lait bien identifiées et investissent assez peu, d’où une actualité globalement qualifiée d’ennuyeuse dans laquelle quelques noms se partagent l’essentiel de l’intérêt du public. Dans le même temps, l’explosion des réseaux sociaux entraîne une baisse de l’investissement des internautes français dans les communautés de fans : les consommateurs de musique japonaise sont de plus en plus nombreux, mais aussi de plus en plus passifs.

Du coup, aucune surprise en surface : ce sont les communautés les plus massives et les mieux organisées qui ont permis à leurs poulains de truster l’essentiel des podiums : Ayumi Hamasaki et autres popstars chez les artistes solo, et les boys bands divers et variés du côté des groupes masculins, avec toujours une certaine présence du Visual Kei et des groupes de rock d’une manière générale, et une influence non négligeable des génériques d’anime populaires sur le succès ponctuel d’une chanson.

Il y a, c’est un fait, un phénomène de lassitude du public français à l’égard de tous les petits groupes pas ou peu connus au Japon qui restent à ce jour les seuls que l’on a les moyens d’importer en France : ce que la majorité du public exprime, c’est l’envie de voir enfin débarquer les stars qu’il adule, et le succès du concert de L’Arc~en~Ciel en 2008 a conforté les fans dans l’idée qu’en se mobilisant ils ont une chance de réaliser cet objectif !

Mais une analyse plus attentive des résultats démontre aussi que le public n’est d’une part pas complètement naïf, et d’autre part bien plus cultivé qu’il n’y paraît. Chacun sait que si les stars nippones n’investissent pas le marché français, c’est essentiellement pour une question d’argent, puisqu’il n’y a personne en France qui soit prêt à prendre le risque de financer leur venue.

Et chacun sait aussi que cette situation n’est pas prête de changer : les grands évènements semblent donc condamnés à rester très exceptionnels. Du coup, la plupart des votants a également mentionné, en marge des principales têtes d’affiche, un ou deux noms supposés plus accessibles, ce qui a abouti à un palmarès finalement très éclectique dans la catégorie « artiste le plus attendu pour 2010 » : plus de 320 artistes différents ont été cités ici, un chiffre qui a fortement impressionné les professionnels et medias nippons que j’ai contactés après la publication des résultats.

[Seconde partie de l’entretien->

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