Provoquant le légitime déchaînement des médias, du public et des dirigeants coréens*, le gouvernement japonais a finalement décidé de mettre en œuvre son projet de réécriture de l’Histoire** : les manuels d’histoire de l’archipel seront modifiés afin de repositionner les îlets coréens de Dokdo sous le drapeau nippon et sous le patronyme « Takeshima ».

Pour rappel : ces cailloux également connus sous le nom moins polémique de « Rochers de Liancourt » font l’objet d’une véritable guerre des propagandes entre les deux voisins depuis que les ultra-nationalistes japonais, encouragés par les gouvernements Koizumi puis Abe, se sont mis en tête de les revendiquer.

Le Japon les avait pourtant reconnus comme coréens à la fin du XIXe siècle… mais entre-temps le pays s’est découvert des ambitions impériales. Et, en 1905, sa première conquête hors du territoire nippon était ce bout de territoire au large d’Ullung-do.

De même que la mer de Corée a été rebaptisée mer du Japon, Dokdo (« Île lointaine » en Coréen) a alors été rebaptisée Takeshima, ce qui signifie « Île aux bambous ». Il est bien évidemment impossible pour un bambou de pousser sur un sol aussi stérile, mais le nom est particulièrement pertinent si l’on considère ce que symbolise le bambou : quand cette plante prend pied sur un terrain, elle s’avère très difficile à éradiquer.

Dokdo / Takeshima ne représente donc pas un simple enjeu économique classique lié aux frontières des eaux territoriales (laissons de côté les enjeux écologiques, les Coréens épuisant désormais les ressources naturelles avec presque la même efficacité que les Japonais) : pour le mouvement ultra-nationaliste japonais, c’est un symbole essentiel, le point de départ de la conquête, l’épicentre de l’impérialisme triomphant.

En fait, quand les ultra-nationalistes revendiquent « Takeshima », c’est exactement comme s’ils réclamaient le retour de « Keijo / Gyeongseong » (alias Séoul) dans le giron impérial.

La polémique sur Dokdo s’inscrit dans le climat détestable entretenu par les visites régulières de Koizumi et Abe au site de Yasukuni (où reposent parmi les héros de la nation des criminels de guerre de sinistre mémoire dans toute l’Asie). Ces provocations ont pour effet de raviver les nationalismes dans tous les pays victimes de la barbarie impériale à commencer par la Chine et la Corée… où le territoire de Dokdo fait désormais l’objet d’un traitement démesuré dans les médias avec un focus dans chaque bulletin météo.

Ce débat sur la territorialité n’existe que parce que ces quelques mètres carrés ont été mystérieusement éludés dans le Traité de Paix de San Francisco du 8 septembre 1951. Il convient de rappeler que juste après la capitulation, une « paix des non braves » avait au préalable été conclue entre Japonais et Américains : si les Américains ont refusé de traduire les criminels de guerre nippons pour crimes contre l’humanité, c’est afin d’éviter d’être eux-mêmes poursuivis pour leur usage de l’arme nucléaire sur des civils. Il n’est pas non plus inutile de rappeler que ce Traité de San Francisco a été signé en pleine guerre de Corée et en plein conflit entre la Chine et Taiwan, fournissant à ses deux principaux protagonistes l’excuse idéale pour éviter d’inviter les pays les plus directement concernés par les exactions impériales.

Cette « paix des non braves » est donc l’une des principales raisons pour lesquelles aucune justice n’a été apportée aux innombrables atrocités commises dans toutes les nations victimes et en particulier en Corée, un pays dont les ultra-nationalistes nippons ont méthodiquement cherché à anéantir la culture et toute trace de l’influence sur l’histoire de l’Archipel***.

Les libérateurs de la Corée auront décidément marqué l’histoire de ce pays : si le Japon a pu amorcer sa recherche d’espace vital en Extrême-Orient au début du XXe siècle, il le doit à un Yalta conclu entre les deux mêmes maîtres du Pacifique (en substance : le Japon ferme les yeux sur les Philippines, les Etats-Unis laissent le Japon prendre ses aises sur la région).

Si les thèses fascistes et militaristes sont de retour au pays du Soleil levant et les ultra-nationalistes peuvent, sans la moindre réaction du grand public, obtenir de leur gouvernement des initiatives révisionnistes aussi scandaleuses que celle-ci, c’est bien parce que le Japon n’a pas encore commencé l’indispensable travail de mémoire qui a fait de l’Allemagne d’après-guerre une démocratie modèle.

J’ai un profond respect pour le Japon, mais ces dérives ne sont plus acceptables. Il est grand temps que son peuple se réveille et que ce pays se décide à assumer son passé pour appréhender plus sereinement l’avenir.

A cet effet, l’éducation joue évidemment un rôle crucial, et il serait préférable de ne pas la laisser aux mains des nostalgiques de la période la plus sombre de l’Histoire de ce grand pays.

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