, Shoji Ueda, maître japonais de l’épure photographique

À Paris, deux expositions présentent l’œuvre du maître japonais de la photographie

SHOJI UEDA, UNE LIGNE SUBTILE, 1913-2000

Maison européenne de la photographie et galerie Camera obscura, Paris

Les expositions et les livres consacrés au photographe japonais Shoji Ueda (1913-2000) sont trop rares en France pour ne pas se précipiter à la Maison européenne de la photographie et à la galerie Camera obscura à Paris, afin d’y découvrir cette œuvre puissante.

Ainsi suit-on volontiers Gabriel Bauret, commissaire de l’exposition avec William A. Ewing, directeur du Musée de l’Élysée de Lausanne, lorsque dans son texte sur Shoji Ueda il évoque le célèbre aphorisme « Less is more » (moins c’est plus) de l’architecte allemand Mies Van der Rohe, adepte de l’épure. L’intraduisible mais lumineuse maxime convient au photographe qui trouve la manière la plus sobre pour exprimer l’essentiel. Procédant par soustraction jusqu’à basculer dans l’onirisme, Ueda compose une succession de tableaux poétiques et minimalistes dans leur forme.

Son œuvre reste à jamais éclairée par ses extraordinaires séries dans les dunes de sable de Tottori, à 100 km de sa ville de Sakaiminato. « C’est mon studio. On ne peut pas trouver d’arrière-plan plus parfait, l’horizon est étirable à l’infini. La dune est un paysage presque naturellement photographique. C’est la nature mais réduite à un fond unique. »

Ce décor épuré, cette planète vierge où il ne cesse de revenir pour ses mises en scène et réinventer son propre monde, lui offrent une qualité de lumière et une pureté d’air qui donnent à ses images leur caractère unique.

C’est dans ce théâtre de sable qu’en 1949, il met en scène, et en lumière, les membres de sa propre famille alignés comme des notes sur une portée : Ueda lui-même tiré à quatre épingles en costume, chapeau et parapluie, un petit enfant accroupi, une fillette tenant une fleur, un garçon à bicyclette, un autre pointant un pistolet miniature, sa femme en kimono. Devant un fond lumineux comme un écran de cinéma, à distance les uns des autres sur cette « ligne subtile », les personnages se découpent comme les motifs d’une frise à contre-jour.

Qu’il s’agisse de portraits, d’autoportraits, de natures mortes, de paysages, Shoji Ueda transcende le banal par ses approches formelles. Prise de vue au ras du sol, mise en scène de jouets, inversion de perspective, rapprochements incongrus d’objets, distorsion ou solarisation de silhouettes… les enfants paraissent plus grands que les adultes, des morceaux de bois flotté prennent figures humaines, une île semble survoler un crâne… Grand admirateur d’Yves Tanguy et de Magritte, Ueda raffole aussi des jeux visuels avec les nuages, avec les chapeaux ou le mimétisme des personnages.

Tandis qu’après le dramatique tremblement de terre de Tokyo en 1923 et la bombe sur Hiroshima en 1945, la photographie japonaise s’oriente vers le documentaire, tandis que l’urgence à témoigner marque les œuvres des plus grands artistes, Ueda garde son propre cap en toute subjectivité, résolument poétique et sans message social à délivrer.

Propriétaire d’un studio commercial à Sakaiminato où un musée à son nom fut ouvert en 1995, cet amateur professionnel fut très tôt membre d’associations de photographes et ouvert aux courants de la photographie européenne, comme la nouvelle objectivité ou le surréalisme.

Si comme André Kertész ou Man Ray, il se prêta volontiers à des expérimentations dans son laboratoire, c’est plutôt avec la philosophie d’un Jacques-Henri Lartigue, amateur génial dont il a toujours affirmé se sentir proche. « Je ne fais que des photos qui me plaisent », déclarait-il. Là réside sans doute le secret de la fraîcheur de son œuvre et l’origine de sa liberté de ton. Avec un style tendre et inimitable qui évoque parfois celui de son compatriote le réalisateur de cinéma Ozu, Shoji Ueda a su réinventer un monde en puisant son souffle et son inspiration aux sources encore vivantes de sa propre enfance.

Armelle CANITROT

Exposition Shoji Ueda, Édouard Boubat, Jean-Christophe Ballot, Peter Knapp et Réalités, jusqu’au 30 mars, Maison européenne de la Photographie, 5-7, rue de Fourcy, 75004 Paris. Tél. : 01.44.78.75.00 ; www.mep-fr.org
Catalogue Shoji Ueda, Musée de l’Élysée/MEP. Exposition S. Ueda et J.-H. Lartigue, jusqu’au 22 mars, Galerie Camera obscura, 268, bd Raspail, 75014 Paris. www.galeriecameraobscura.fr. Tél. : 01.45.45.67.08.

Source : www.la-croix.com

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