Théâtre. Au festival d’Automne, le Japonais Oriza Hirata met en scène, et en VO, vingt personnages dans le sous-sol d’un musée.

Vingt acteurs japonais ont investi le théâtre de Gennevilliers, à l’invitation du festival d’Automne. Ils méritent d’autant plus qu’on les découvre que Tokyo Notes, la pièce qu’ils interprètent, se présente comme une variation sur le thème de la rencontre.

Toute l’action se déroule dans un sous-sol de musée (quelques banquettes non loin des toilettes) où se croisent les personnages, tous visiteurs d’une exposition Vermeer organisée à Tokyo. Des, membres d’une même famille, s’y sont donné rendez-vous à dîner ; il y a aussi des couples, plus ou moins unis, deux copines étudiantes, une riche héritière venue léguer sa collection, des membres de l’administration du musée. Il ne se passe presque rien : remarques banales, raclements de gorge, formules de politesse, regards furtifs, temps suspendu, ennui vague. Mais à mesure, ce presque rien va devenir vertigineux.

Tokyo Notes n’est pas une découverte en France : le metteur en scène Frédéric Fisbach avait donné une mémorable version française de la pièce, en 2000 (le texte est publié aux éditions les Solitaires intempestifs). Et Oriza Hirata, l’auteur et metteur en scène, en avait déjà proposé une version en version originale en 2003, à la Maison du Japon à Paris.

Hirata dit s’être librement inspiré du Voyage à Tokyo d’Ozu. Le musée a pris la place du grand magasin comme lieu de retrouvailles entre frères et sœurs. Mais la pièce diffère considérablement du film ; et sa forme est bien plus proche du théâtre occidental que du nô. Avec ses dizaines de personnages saisis sur le vif, ses saynètes qui se superposent et son absence apparente d’enjeu dramatique, Tokyo Notes évoque certaines pièces de Botho Strauss.

La question des rapports entre Orient et Occident n’est pas que de forme. Hirata a situé sa pièce dans un avenir proche. Si Tokyo organise une rétrospective Vermeer, c’est que la guerre fait rage en Europe, et que l’île est devenue un refuge pour les chefs-d’œuvre du Vieux Continent. Le Japon est en somme le dernier dépositaire d’une culture occidentale en train de sombrer.

Cela n’a pas trop l’air de perturber les visiteurs de l’expo, même si certains ont peur de «passer à côté» et si d’autres disent leur perplexité sur une peinture qui leur semble manquer de «couleurs» . Ce n’est pourtant pas l’art en général mais plutôt l’art du regard qui est au centre de Tokyo Notes.

Entre les personnages, d’abord : au-delà des codes, certains se dévoilent ; derrière les sourires et les hochements de tête, des failles apparaissent, imperceptibles et sans fond. Entre les acteurs et les spectateurs, ensuite ; la fluidité d’un jeu où rien ne semble jamais appuyé requiert un surcroît d’attention. La douceur ambiante génère une tension qui va crescendo, sans que rien ne soit solennel : Tokyo Notes est d’abord une comédie, où l’on rit de la naïveté de l’une, de la maladresse d’un autre et de la lâcheté d’un troisième.

Mais la rencontre la plus impressionnante est sans doute entre le spectacle et le lieu où il est donné. L’ancien bar du théâtre, dominé par un double escalier, se transforme en chambre d’apesanteur, où les acteurs entrent et sortent par l’ascenseur, se croisent en haut de marches, tournent lentement en rond.

RENÉ SOLIS

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