Pour des investisseurs qui détestent l’incertitude, le fait de savoir désormais avec certitude que l’Europe va tomber en récession doit avoir été accueilli avec un certain soulagement. Reste à savoir combien de temps cette récession va durer et quelle en sera l’intensité.
La crise mondiale du crédit, assurément la pire depuis celle de 1929, a clairement pesé sur le ralentissement. Une récession synchronisée à l’ensemble des pays développés paraît désormais inévitable. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser que l’Europe va souffrir davantage que les Etats-Unis, alors que c’est là-bas que la crise du crédit a commencé.
Le repli incessant de l’euro par rapport au dollar et la sous-performance des actions européennes par rapport aux actions américaines semblent aller
dans ce sens.
La récession européenne devrait, cette fois, présenter quelques points communs avec celle qu’a connue le Japon dans les années 90 en ce sens qu’elle risque de durer plus longtemps. La récession au Japon s’était notamment caractérisée par une recapitalisation extrêmement lente du système bancaire. Les récentes interventions des différents gouvernements montrentque l’Europe n’a heureusement pas commis la même erreur.
L’Europe pourrait toutefois contracter d’autres symptômes de la maladie japonaise, étant donné la lenteur de sa réaction par rapport à celle aux Etats-Unis, pays qui pourrait également souffrir en raison du vide politique qu’il connaît actuellement.
Nous ne pensons pas que l’Europe va connaître une décennie de récession, mais les prochaines années s’annoncent tout de même difficiles. Les Etats-Unis se redresseront plus rapidement que nous.
Pourquoi les Etats-Unis mènent-ils la danse ? Notamment parce qu’ils sont plus avancés dans le cycle que l’Europe et parce qu’ilsont fait preuve d’un interventionnisme plus prononcé. Les prix immobiliers américains sont déjà tombés à des niveaux où l’accessibilité à la propriété tourne autour de la moyenne à long terme, ce qui n’est pas encore le cas en Europe.
De plus, la Fed fait preuve de plus de pro-activité que la BCE pour créer un
environnement de taux (taux courts bas et taux longs plus élevés) dans lequel les banques peuvent accroître leurs marges et améliorer leur rentabilité, ce qui leur permet donc d’assainir plus rapidement leur bilan.
La lenteur de la BCE pourrait inciter les banques européennes à resserrer leurs conditions de crédit sur une plus longue période. En outre, les entreprises européennes font en moyenne preuve de moins de pro-activité que leurs homologues outre-Atlantique en matière de compression des coûts. La relative pénurie de main-d’œuvre (comparable à celle qu’a connue le Japon dans les années 90) pourrait dissuader les entreprises de licencier vu qu’elles éprouveront davantage de difficultés à réengager du personnel qualifié une fois que la situation se sera améliorée.
Enfin, l’Europe n’est pas une région unie. Les solutions prises à l’échelle nationale sont certes efficaces, mais elles vont déboucher sur des
discordances par rapport aux critères de Maastricht. Ce qui provoquera des tensions au sein de la zone euro et placera la BCE devant de nouvelles difficultés.
Les marchés financiers intègrent depuis peu un scénario de récession mondiale. Les valeurs cycliques, les matières premières, les marchés émergents et les obligations risquées ont rapidement été vendus. A l’heure actuelle, tant les
marchés d’actions que les marchés obligataires anticipent une récession liée à la consommation « normale », comparable à celle du début des années quatre-vingt et des années 90. Continuer à vendre les actions signifierait que l’on s’attend à une sorte de dépression où les bénéfices chuteraient de plus de 30% et où les faillites atteindraient des niveaux sans précédents. Ce scénario nous paraît peu vraisemblable à l’heure actuelle.
Après tout, les bilans des entreprises demeurent solides et l’inflation est en train de diminuer, ce qui devrait permettre à la BCE d’abaisser ses taux. Oui, nous nous dirigeons vers une récession qui durera plus longtemps que la moyenne de dix mois à laquelle nous sommes habitués depuis la fin de la
guerre. Mais non, elle ne sera probablement pas assez forte pour provoquer une nouvelle chute des marchés financiers.
Nous pensons que ceux-ci vont atteindre leur plancher dans le courant de l’année et qu’une légère reprise est possible en 2009.
Ad van Tiggelen est Stratégiste Senior, ING Investment Management
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