{{Longtemps désintéressé du débat politique, l’électorat japonais a pris ses responsabilités en renvoyant dans ses pénates le Parti libéral démocrate. Symbole de cet éveil inattendu, Yoshi en a profité pour sortir du mutisme dans lequel il s’était cloîtré depuis plusieurs années.}}

Au début de l’année, Yoshi était encore « une entité chromosomique », un Y ascète qui s’était juré de ne plus jamais frayer avec la société nippone, à la pression écrasante. Dans le vocable local, Yukio était un hikikomori, un désaxé parmi les quelques dix millions d’inadaptés « recensés » à travers l’archipel.

Fils aîné d’une famille tokyoïte plutôt aisée, il vivait cloîtré dans sa chambre depuis « une paire d’années ». Il ne s’en extrayait que pour satisfaire à des besoins élémentaires, souvent nocturnes. A presque 30 ans, il était le symbole joufflu de l’enfant-roi, produit du miracle économique japonais des années 80 et symptôme cruel de la dépression qui a frappé la décennie suivante.

Et puis, au crépuscule de l’année 2008, le naufragé volontaire a perçu un changement depuis sa prison de verre. Internaute compulsif, Yoshi a d’abord senti l’atmosphère se réchauffer, le ton monter. Quand il a senti revenir le vent mauvais de la récession et du malaise social, celui-là même qui l’a poussé sur la touche, les rares poils de son visage glabre se sont hérissés.

« {Pour être honnête, je ne m’étais jamais intéressé à la politique jusqu’à présent}, confesse-t-il. {Pour moi comme pour beaucoup d’autres, les règles du jeu étaient simples: le PLD (Parti libéral-démocrate) tenait la barre, et les citoyens ramaient.} »
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D’enfant-roi à citoyen engagé}}}

Chemin faisant, il s’est mis à suivre la campagne, « {de loin au début, puis un peu plus passionnément, à mesure que le résultat se précisait} ». Sans qu’on sache qui a entraîné l’autre, sa mère, plutôt traditionaliste, a aussi décidé d’opérer un virage à gauche, « même si c’est d’abord pour sanctionner le comportement des politiciens au Japon ».

Bien loin de l’aphasie qui le bridait jusqu’alors, le volubile Yoshi n’hésite plus à dénoncer « {le népotisme, le clientélisme et la corruption d’une machine tentaculaire} », dont les rouages ont fini par épuiser un peuple réputé pour sa capacité à encaisser les coups. « {Depuis un demi-siècle, un seul parti a régné en maître sur le Japon}, s’emporte-t-il encore. {C’est terminé} ».

Alors oui, le jeune homme vit toujours dans le vaste appartement parental de Meguro, le quartier chic du sud-ouest de Tokyo, prisé par les expatriés, les diplomates et la nouvelle bohème. Il se montre déjà prudent face à une alternance aussi soudaine qu’incertaine. Peut-être s’agit-il d’un feu de paille.

Mais ce scrutin « révolutionnaire » –comme se plaît à le répéter Yukio Hatoyama, le futur Premier ministre– permet de tirer un enseignement vital: aussi passif soit-il, l’électorat peut à tout moment reprendre les rênes de la vie politique. Yoshi, lui, a pu récupérer la vie qu’il s’était lui-même confisquée. C’est aussi ça, la démocratie.

[Source : Olivier Tesquet pour L’Express->http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/la-mue-japonaise_783729.html]

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