La Corée du Sud, premier pays émergent à accueillir un G20 en novembre, témoignant ainsi de la place acquise par ce pays sur la scène mondiale en moins d’un demi-siècle, est engagée dans une relation tortueuse avec ses deux grands voisins : la Chine et le Japon. Un antagonisme nourri par d’amères rancoeurs dans le cas du second – tempérées cependant par des intérêts stratégiques communs – et d’irritations très actuelles dans le cas de la première, accentuées en revanche par ces mêmes enjeux géopolitiques.

Le mois d’août a été marqué par une double commémoration : celle de l’annexion, il y a un siècle, de la péninsule par le Japon et le 18e anniversaire de la normalisation des relations entre Pékin et Séoul. Le premier événement a donné lieu à l’habituelle « levée de boucliers » antijaponaise et le second est passé inaperçu.

Le ressentiment coréen à l’égard du Japon n’est pas nouveau, mais cette année le premier ministre japonais, Naoto Kan, a présenté pour la première fois, le 10 août, des excuses particulières à la Corée pour les souffrances infligées au cours des trente-cinq années de colonisation (1910-1945). Jusqu’à présent, Tokyo exprimait ses regrets aux victimes en général de son expansionnisme. Les Coréens veulent un mea culpa plus précis, reconnaissant l’illégalité du traité d’annexion, et des propositions de dédommagement des millions de Coréens contraints au travail forcé par l’occupant.

Les excuses japonaises sont incomplètes pour une autre raison : elles sont adressées à la République de Corée (Corée du Sud), avec laquelle le Japon a normalisé ses relations en 1965 en versant d’importants dommages de guerre, mais elles ne font aucune référence à la République populaire démocratique de Corée (RPDC) – Corée du Nord -, avec laquelle le Japon n’entretient pas de relations diplomatiques et à laquelle il n’a versé aucune indemnité.

En dépit de l’approfondissement des relations économiques et politiques entre la Corée du Sud et le Japon, de la popularité de la culture de masse partagée par la jeunesse des deux pays et d’une laborieuse quête de conscience historique commune, la rancoeur n’en demeure pas moins, comme en témoignent les éditoriaux stigmatisant le « jour de honte nationale » qu’est le 29 août 1910 (entrée en vigueur du traité d’annexion). Le héros national demeure le jeune nationaliste Ahn Jung-geun (1879-1910) qui assassina le résident général japonais Hirobumi Ito à Harbin (Chine), en octobre 1909 (la Corée était depuis 1905 sous protectorat japonais), et qui fut exécuté.

L’annexion par le Japon de la péninsule, jusque-là un Etat indépendant à la culture plusieurs fois millénaire, s’inscrivait dans le jeu des impérialismes auquel le Japon, puissance émergente de l’époque, prenait part.

Mais les trente-cinq ans de colonisation ont laissé des stigmates profonds dans la société coréenne : à la mémoire des violences de l’occupant et de sa tentative d’éradication de l’identité nationale s’ajoute le lourd héritage des collaborateurs reconvertis en anticommunistes et « blanchis » au Sud par les régimes militaires soutenus par les Etats-Unis.

Un antagonisme d’une autre nature tempère l’acrimonie antijaponaise des Coréens : l’agacement à l’égard de la Chine pour son soutien à la Corée du Nord – qui a pour pendant le courroux de Pékin suscité par les manoeuvres militaires américano-sud-coréennes en mer Jaune. Jusqu’à présent, Pékin avait peu réagi à ces exercices annuels : sa gesticulation témoigne d’une tension accrue avec la Corée du Sud, mais aussi avec les Etats-Unis.

Bien que la Corée ait été au cours de la dynastie des Yi (1392-1910) en situation de vassalité par rapport à la Chine, elle n’éprouve pas de ressentiment à l’égard du grand voisin. Lorsque commença un embryon de dialogue avec le Nord, Séoul voyait en la Chine le « chemin le plus court » vers Pyongyang.

Aussi, le soutien appuyé apporté par Pékin à Pyongyang est-il ressenti par le camp conservateur sud-coréen comme une « trahison ». Pékin n’épouse pas les conclusions de l’enquête internationale qui a imputé le naufrage de la corvette sud-coréenne Cheonan à une torpille nord-coréenne et elle a manoeuvré au Conseil de sécurité pour que le nom de la RPDC ne figure pas dans la déclaration condamnant cet acte.

La Chine est le premier partenaire économique de la Corée du Sud – devant les Etats-Unis -, et les deux pays négocieront en 2011 un accord de libre-échange. D’antagonistes au cours de la guerre froide, les relations sino-sud-coréennes se sont réchauffées au point de susciter l’inquiétude de Washington, craignant que son allié ne tombe dans l’orbite chinoise. Ce n’est plus le cas depuis l’arrivée au pouvoir en 2008 du président Lee Myung-bak.

En dépit du passé, le Japon, lui aussi rentré dans le giron de l’alliance américaine après les velléitaires expressions d’autonomie du premier ministre Yukio Hatoyama (2009-2010), tend à devenir le partenaire privilégié d’une Corée du Sud qui boude la Chine. Cette évolution se traduit par un renforcement d’une alliance tripartite, dont Washington – qui a des traités de défense avec Tokyo et Séoul – est le pivot pour faire face à la « menace chinoise ».

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Source : [Phillipe PONS pour le monde.fr->http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/09/11/seoul-boude-la-chine-et-se-rapproche-du-japon_1409922_3232.html]

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