Pour les dirigeants politiques japonais, la crise un peu particulière que traverse le pays s’explique par un yen trop fort. Le ministre des finances, Shoichi Nakagawa, se propose d’agir sur le cours de la monnaie nationale, mais ce n’est pas une bonne solution. Cela risquerait plutôt de propager les problèmes économiques japonais dans le reste du monde, ou encore d’entraîner une course à la dévaluation qui ne pourrait qu’attiser les tentations protectionnistes naissantes.

Au Japon, la récession s’avère plus prononcée qu’ailleurs, alors que les établissements bancaires sont en bonne santé et que l’immobilier n’a pas connu de bulle significative au cours des dix dernières années. Sur le seul mois de décembre 2008, la production industrielle a chuté brutalement de 9,6 %. Elle est actuellement inférieure de 21 % à son niveau d’il y a un an, tandis que les exportations ont baissé de 35 %. Si les importations ont elles aussi diminué de 21 %, cela fait quand même trois mois que la balance commerciale est en déficit, une chose rarissime dans les annales de l’histoire économique du Japon.

Les responsables politiques mettent en cause la hausse du yen, qui serait en ce moment surévalué de 34 % par rapport au dollar, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cependant, si l’on s’intéresse au taux de change effectif sur deux ans, la hausse du yen apparaît moins spectaculaire : son cours actuel ne correspond jamais qu’à la moyenne des trente-quatre dernières années.

L’origine de la crise économique qui frappe aujourd’hui le Japon reste obscure. Ce qui est sûr, c’est qu’elle s’est aggravée depuis que Taro Aso a été nommé premier ministre, en septembre 2008. M. Aso est revenu sur la politique de réforme économique que Junichiro Koizumi et ses successeurs avaient initiée, pour lui préférer une série de plans de relance consistant à investir dans des projets d’infrastructures inutiles et à harceler la Banque du Japon pour qu’elle ramène ses taux à quasiment zéro.

Or, c’est grâce à la réduction du déficit public et à un relèvement modéré des taux d’intérêt que le pays avait commencé à se redresser à partir de 2003. Ce retour aux pratiques des années 1990 a probablement déstabilisé une économie déjà accablée par une dette publique excessive et une politique de rémunération du capital inadaptée.

Quoi qu’il en soit, une intervention sur le yen risque surtout de déclencher une spirale de dévaluations compétitives et de nous conduire au désastreux « chacun pour soi » des années 1930. La Chine serait fortement tentée d’emboîter le pas au Japon, et une dévaluation conjointe du yen et du yuan ne manquerait pas de pousser un Congrès américain déjà protectionniste à se livrer aux pires excès.

Le Japon a choisi de revenir aux années 1990. Il doit rester lucide pour éviter de sombrer dans un marasme beaucoup plus grave, à la mode des années 1930.

(Traduction de Christine Lahuec.)

Martin Hutchinson

[Le Monde.fr->http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/02/12/le-japon-doit-garder-son-sang-froid-malgre-l-envolee-de-sa-devise_1154375_1101386.html]

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