La situation est grave au Japon, mais les médias français l’ont oublié. Tepco, l’opérateur de la centrale nucléaire de Fukushima, l’a reconnu jeudi 12 mai : les coeurs des réacteurs n°1,2 et 3 de la centrale de Fukushima ont fondu. Plus grave, la cuve du réacteur n°1 est trouée. Auparavant, il n’était question que de « fusion partielle » des coeurs, et pas de fuites. Des employés de Tepco viennent de pénétrer dans les réacteurs n°2 et 3 pour observer l’étendue des dégats. Pendant au moins une semaine, ces informations capitales n’ont pourtant trouvé que peu de relais en France.

Un reportage de quelques minutes, au 20 heures de France 2, sur l’évolution du pompage de l’eau contaminée, coincé entre deux directs avec New York, où il fallait suivre en direct l’arrivée d’Anne Sinclair au procès de son mari, Dominique Strauss-Kahn: le regard médiatique, en ce jeudi 19 mai, s’est bien détourné de Fukushima. Et encore, cet étrange reportage n’a-t-il pas donné l’information essentielle de cette dernière semaine: un des « scénarios du pire » s’était déroulé, dès le premier jour. Mardi 17 mai, une dépêche AFP a souligné que « l’opérateur -Tepco- s’est rendu compte récemment, grâce à de nouvelles mesures, que le combustible nucléaire des réacteurs 1, 2 et 3 avait vraisemblablement fondu, faute d’avoir été immergé durant plusieurs heures après la catastrophe du 11 mars qui a anéanti les systèmes de refroidissement ». En clair, comme l’expique un article d’analyse clair de Rue89, « ce n’est pas que la situation se soit brutalement aggravée à Fukushima. Seulement Tepco a fini par admettre, deux mois après le séisme, que l’ampleur des dégâts était bien pire qu’envisagé sur le coup. » Rue 89 indique que « le cœur du réacteur numéro 1 a totalement fondu », c’est-à-dire que « le combustible est transformé en corium », une lave brûlante, et imprévisible.

Mardi, la dépêche a été reprise telle quelle par la plupart des médias en ligne, sans grandes explications.

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> Cliquez sur l’image pour un gros plan Seul le site de Courrier International donne des détails le lendemain, en s’appuyant notamment sur des informations tirées du quotidien japonais Asahi Shimbun : « Tepco a finalement reconnu que les barres de combustibles du réacteur numéro 1 avaient fondu seulement cinq heures et demie après le tsunami. Et des éléments de preuves, provenant de sources internes à Tepco mais pas encore officialisées, indiquent que les réacteurs 2 et 3 également ont fondu, le numéro 3 s’étant même effondré dans sa cuve. »

Le site du Monde a repris une autre dépêche le 18 mai, pour ajouter que « la fusion du cœur du réacteur 1 de la centrale de Fukushima, au Japon, pourrait avoir été causée par une erreur humaine », ce que précisait un article du Japan Times du même jour.

Mais en dehors de ces dépêches reprises sur leurs sites (seuls Rue89 et le site de France 24 ont proposé des articles d’analyse plus conséquents), les journaux papier ont été très avares en information à propos de ces révélations de Tepco. On se souvient pourtant qu’en mars, tous les médias épluchaient les divers scénarios sur l’évolution possible des réacteurs de Fukushima.
Figaro

A notre connaissance, seul Le Figaro a repris de façon conséquente ces informations, le 18 mai dans un article intitulé « Fukushima : la situation serait plus grave que prévu ».

L’auteur explique bien que « Tepco s’est notamment rendu compte, grâce à de nouvelles mesures réalisées la semaine dernière, qu’une partie du combustible du réacteur 1 serait tombée au fond de la cuve ».

Mais l’analyse, notamment sur les conséquences, s’arrête là. Le Figaro rappelle ensuite que des équipes d’Areva sont en train d’installer un dispositif de décontamination de l’eau pompée pour refroidir les réacteurs.

Dans son édition papier parue ce jeudi 19 mai, Le Monde a aussi publié un article sur le nucléaire japonais. Mais il est consacré à la contestation du nucléaire au Japon, et ne contient aucune référence précise aux nouvelles informations en provenance de Fukushima.

L’article était notamment centré sur une déclaration du Premier ministre Naoto Kan, qui a déclaré que « l’énergie nucléaire continuera à être utilisée » picto
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> Cliquez sur l’image pour un gros plan > Cliquez sur l’image pour un gros plan [Cliquez pour zoomer : nouveau media]
> Cliquez sur l’image pour un gros plan [Cliquez pour zoomer : nouveau media]
> Cliquez sur l’image pour un gros plan Le même jour, l’information est relayée par l’agence de presse anglophone Bloomberg, qui affirme que TEPCO a reconnu que « du combustible fondu a coulé au fond de la cuve n°1 sous pression et est toujours en cours de refroidissement ». A notre connaissance, parmi les médias traditionnels, seul Le Monde, dans son édition du 14 mai, a repris la nouvelle dans un article détaillé (accès abonnés).

picto Et Greenpeace France n’a pas raté l’info…

Le retard médiatique français est plutôt à mettre au compte de la non reprise d’une dépêche AFP, du 12 mai, qui annonçait pourtant : « L’opérateur de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima a fait état jeudi de nouveaux problèmes, dont une fuite au niveau de la cuve d’un réacteur et le déversement d’eau contaminée dans l’océan. » Les informations y sont, mais rien ne permet d’interpréter la gravité de la situation. Surtout, le titre, assez banal, évoque de « nouvelles fuites d’eau radioactives ». Ce qui explique sans doute que les médias (et @si, dans une premier temps) ne l’aient pas vus passer.

Le lendemain, vendredi 13 mai, une autre dépêche Reuters note que « plus tôt cette semaine, Tepco a déclaré qu’elle avait scellé une fuite d’eau radioactive à l’extérieur du réacteur n ° 3 de l’usine. Le réacteur n ° 2 a subi des fuites similaires qui ont été scellées en avril avec du verre liquide et d’autres substances. » Tepco a donc reconnu courant mai que les trois réacteurs avaient subi une fusion de combustible.

Quels seront les conséquences ? La situation est incertaine, mais potentiellement grave, si l’on en croit les explications avancées par Rue 89 : si le corium a percé la cuve, le risque de contamination de long terme de la région environnante et plus important. Et s’il entre en contact avec l’eau, « il y a un risque d’explosion à l’hydrogène ». Autant de dangers que les médias français avaient détaillé en longueur dans les premiers jours suivant la catastrophe, à grands renforts de directs dramatisants. Aujourd’hui, les mêmes directs haletants se demandent si DSK restera en prison.

(par Simon Recht)

Mise à jour – 20 mai : Dans une première version de article, nous indiquions que l’AFP n’avait pas traité la nouvelle du 12 mai, ce qui est faux. Et nous avons ajouté une mention de l’article du Monde du 14 ma

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