{{La récente affaire des centenaires dont le décès avait été caché par leurs enfants a révélé l’état catastrophique des rapports familiaux dans l’archipel. Dans un pays où le vieillissement de la population s’accélère, la question de l’isolement des personnes âgées fait désormais déb}}at.

Le nombreux centenaires japonais sont portés disparus. Les circonstances de leur disparition sont diverses et variées. Dans certains cas, ils ne sont plus en contact avec leur famille depuis des années. Dans d’autres, leurs proches ont préféré ne pas déclarer leur décès pour pouvoir empocher leur pension de retraite. Face à de tels événements, on en vient à se demander si la famille nippone n’est pas au bord de l’effondrement. En tout cas, le temps semble venu de réfléchir aux relations des personnes âgées avec leur famille. Selon le Livre blanc de 2010 sur le vieillissement de la population japonaise, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans vivant seules s’élevait à environ 900 000 en 1980. Il a quadruplé en vingt-cinq ans pour atteindre 3,9 millions en 2005. Inversement, le pourcentage de celles vivant avec un membre de leur famille, qui atteignait 69 % en 1980, est tombé à 44,1 % en 2008.

Je me suis entretenu sur la question avec Daiki Nakashita, un moine de 35 ans. Il travaille sur les difficultés que rencontrent les personnes âgées isolées, trouvant la mort dans la solitude ou se suicidant. Ce jour-là encore, il faisait une chaleur caniculaire de plus de 35 °C. Comme pour fuir le soleil écrasant, je me suis hâté vers le café où nous avions rendez-vous. « Il ne fait aucun doute pour moi que la structure de la famille est en train de changer », m’a-t-il dit dès le début. Cet homme dirige un réseau d’aide aux funérailles qui prend en charge celles des personnes âgées démunies ou sans famille. Auparavant, il travaillait dans un établissement de soins palliatifs pour cancéreux. C’est ainsi qu’il s’est trouvé en contact avec toutes sortes de familles. Une nuit, alors qu’il appelait les proches d’un malade pour leur annoncer que l’état de celui-ci s’était soudain aggravé, il a entendu hurler à l’autre bout du fil : « Vous croyez que c’est une heure pour appeler les gens ? »

« On croit que ce type de réaction est marginale, mais c’est celle de familles tout à fait ordinaires. De mon expérience, je peux vous dire que peu nombreuses sont les familles qui se réunissent au chevet de leur grand-parent mourant. Que les personnes âgées meurent dans la solitude ou se suicident, cela découle du même problème, la famille n’intervenant plus comme l’ultime soutien. Récemment, on qualifie de plus en plus souvent notre société contemporaine de « sans liens », mais, personnellement, je dirais que, même si les liens familiaux subsistent, ils n’agissent pas suffisamment en tant que tels », explique-t-il. Cependant, il existe également des gens qui préfèrent vivre seuls, car ils se sentent plus tranquilles ainsi. Selon le même Livre blanc, le nombre de personnes de plus de 60 ans qui souhaitaient vivre avec un de leurs enfants ou petit-enfants était d’environ 60 % en 1980, mais en 2005 il était tombé à 34,8 %. Ces chiffres corroborent une tendance croissante chez les personnes âgées à vouloir vivre à distance de leurs enfants. »Tant qu’on est en bonne santé, on peut penser que c’est plus commode de vivre seul. Mais lorsqu’on est malade ou à l’article de la mort, je pense qu’on a besoin de compagnie. C’est vraiment triste de mourir seul », note Daiki Nakashita.

J’ai également rencontré Katsuyoshi Kawai, professeur à l’université Meiji, qui étudie le problème de la solitude chez les personnes âgées depuis plus de vingt ans. A peine ai-je franchi le seuil de son bureau qu’il m’a tendu la photocopie d’un article de journal, en me disant : « Lisez ceci ». L’article datait de septembre 1995. Cette année-là, Katsuyoshi Kawai avait réalisé une enquête auprès des habitants de plus de 65 ans de l’arrondissement de Daito, à Tokyo. Il en était ressorti que ceux qui avaient passé les fêtes de fin d’année seuls étaient plus nombreux que ceux qui les avaient passées en compagnie de leurs enfants. L’isolement des personnes âgées qui fait aujourd’hui polémique est donc loin d’être un phénomène récent. Alors pourquoi se manifeste-t-il aujourd’hui ? « La pauvreté est un facteur important dans le problème des disparitions qui défraient actuellement la chronique, affirme Katsuyoshi Kawai. Les différentes générations ayant vu diminuer leurs moyens d’existence, elles ne veulent plus s’occuper de leurs parents. » La pauvreté est bien la base du problème, comme en témoigne le nombre important de gens qui ont touché illégalement la retraite de leurs parents. Les familles sont trop pauvres pour aider. Notre pays s’est livré à une course effrénée à la croissance après la Seconde Guerre mondiale. Mais quelle tristesse d’en arriver là au XXIe siècle !

[Source :Mainichi via courrierinternational.com->http://www.courrierinternational.com/article/2010/08/27/la-famille-premiere-victime-de-la-crise]

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