Le gouvernement japonais a confessé ce lundi qu’au moins huit employés intervenus pour tenter de refroidir les réacteurs nucléaires endommagés par le tremblement de terre ont subi une exposition aux radiations supérieure aux nouveaux critères de sécurité.

Les Kamikazes de l’atome, étaient-ils surnommés par la presse japonaise. Une mission nationale leur était confiée : celle de refroidir les six réacteurs nucléaires de la centrale de Fukushima Daiichi ravagée par le tremblement de terre et le tsunami du 11 mars dernier. Dans un premier temps, la Tokyo Electric Power (Tepco), exploitant du complexe atomique aux lourdes responsabilités quant à l’incident nucléaire, avait admis que deux employés seulement avaient été exposés à des niveaux excessifs de radiation, un «moindre mal» humain, eut-il pu ajouter avec le cynisme dont les dirigeants de la société ont fait preuve depuis le début de la crise atomique la plus grave depuis Tchernobyl.

Des mesures d’exposition externe et du taux d’iode radioactif dans la glande thyroïde effectuées sur les deux hommes, l’un âgé d’une trentaine d’années, l’autre d’une quarantaine d’années, avaient démontré que leur exposition avait dépassé le niveau maximum de 250 millisieverts fixé par les autorités – soit la dose cumulée de plus de 400 radiographies de l’estomac (sic). Les deux travailleurs du nucléaire étaient dans la salle de contrôle centrale des réacteurs n°3 et n°4 et avaient effectué des inspections du site le 11 mars dernier.

Lundi, le gouvernement japonais a contredit une fois de plus l’opérateur en indiquant qu’au moins huit employés de la centrale nucléaire de Fukushima avaient subi une exposition aux radiations supérieure aux nouveaux critères de sécurité – le gouvernement japonais a relevé le niveau maximum à 250 millisieverts contre 100 millisieverts normalement fixés pour les urgences nucléaires. Les six nouveaux cas ont été recensés après des examens poussés sur les 2400 hommes et femmes qui ont tenté de colmater les fuites sur les différents réacteurs. Et le porte-parole de l’agence japonaise de régulation nucléaire de préciser qu’une enquête serait menée par Tepco pour déterminer la cause de cette exposition et prendre les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise plus.

Tepco toujours dans l’œil du cyclone médiatique

Dans une enquête parue dimanche, le très sérieux «Yomiuri Shimbun» met une nouvelle fois l’accent sur les manquements les plus élémentaires à la sécurité dont a fait preuve l’opérateur japonais. Le programme nucléaire civil nippon avait déjà été l’objet de nombreuses critiques avant le tremblement de terre de mars 2011. En 2002, une affaire de contrôle de sécurité falsifiée avait déjà éclaté au grand jour au sein de la Tepco. Des fonctionnaires de la compagnie avaient tenté de dissimuler des fissures dans les cuves de 13 des 17 réacteurs exploités. Parmi ceux-ci figuraient déjà ceux Fukushima Daiichi. En juillet 2007, à la suite d’un tremblement de terre de 6,8 sur l’échelle de Richter, la centrale nucléaire de Kashiwazaki Kariwa, exploitée… par la Tepco, avait été gravement affectée par le séisme. De l’eau s’était répandue dans le bâtiment de l’un des réacteurs, avant d’être rejetée dans la mer chargée d’éléments radioactifs. En juin 2008, un nouveau tremblement de terre cette fois-ci de 7,2 endommageait l’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Kurihata, sans grave conséquence.

En août 2007, le professeur Ishibashi Katsuhiko, de l’université de Kobe, créait le néologisme Genpatsu-shinsai, que l’on peut traduire par le désastre nucléaire créé par un tremblement de terre dans une tribune publiée conjointement par l’«International Herald Tribune» et «Asahi Shinbun». Il mettait en lumière les risques encourus par le Japon. «Depuis le tremblement de terre de Hanshin qui a dévasté Kobe en 1995, presque tout l’archipel japonais est entré dans une période d’intenses activités sismiques», expliquait-il, alors même que le gouvernement sous-estimait les risques potentiels posés par des tremblements de terre majeurs. «La période de forte activité sismique se poursuivra pendant encore 40 ans ou plus. Si des mesures radicales ne sont pas prises dès maintenant pour réduire la vulnérabilité des centrales nucléaires aux tremblements de terre, le Japon pourrait connaître une véritable catastrophe nucléaire dans un proche avenir», prophétisait-il. Et le sismologue de prendre l’exemple des centrales nucléaires exploitées par… Tepco, aux importants défauts de conception, qui selon lui, ne pourraient supporter les effets d’un tremblement de terre de grande ampleur.

Mais ce n’est donc pas tout. Comme le révèle le journal japonais, la Tokyo Electric Power a négligé les nombreux messages d’alerte, notamment un rapport présenté par l’Institut national de la science industrielle et de la technologie sur les conséquences du tremblement de terre survenu au large de la préfecture de Miyagi il y a 1150 ans de cela. Le séisme d’une magnitude de 8,3 ou 8,4 sur l’échelle de Richter – selon les estimations – avait provoqué un tsunami d’une rare violence, qui avait pénétré jusqu’à quatre kilomètres à l’intérieur des terres et fait au moins 1000 morts, selon ce qui est décrit dans le «Nihon Sandai Jitsuroku» («Les Annales des trois règnes» en Français). Bien sûr, Tepco a négligé cet avertissement, jugeant plus utile d’adapter ses normes de sécurité au référant du tremblement de terre de 1938 – d’une magnitude de 7,9. La très sérieuse Japan Nuclear Energy Safety Organization (JNES) avait établi le scénario de la catastrophe de Fukushima avant que celle-ci ne se produise, estimant dans un rapport de 1998 que si une vague de 15 mètres de haut s’abattait sur les installations nucléaires, celle-ci noierait les groupes électrogènes de secours et provoquerait une réaction en chaîne, avec l’impossibilité de refroidir les réacteurs et son endommagement définitif.

Pour Robert Geller, professeur à l’Université de Tokyo et sismologue de réputation mondiale, ce qui s’est passé – et se passe encore à Fukushima – n’est pas la conséquence d’une catastrophe naturelle, mais bien «une catastrophe d’origine humaine».

© 2011 Paris-Match – Yannick Vely (avec Reuters) – Article original sur Parismatch.com

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