Les deux questions concernant le Japon auxquelles je suis le plus souvent confrontée ces derniers temps portent sur les leçons que les autres pays peuvent tirer du Japon en matière de crise financière et sur la capacité du Japon à sauver le monde face à l’apocalypse financière.

Ces questions sont légitimes. En ce qui concerne la première, il est naturel de penser que l’on peut tirer des leçons de l’expérience du Japon, qui a connu la bulle des années 1980 et la récession consécutive des années 1990. La seconde question, peut-être moins pertinente, est aussi compréhensible. Le Japon n’a pas été l’épicentre de la crise financière actuelle. Ses institutions financières nippones avaient une trésorerie abondante. Il n’est pas déraisonnable de considérer le pays comme un sauveur potentiel dans une situation qui semble désespérée. Comme en réponse à cet appel au secours, le groupe financier Mitsubishi UFG a renforcé sa participation dans Morgan Stanley, tandis que Nomura rachetait certaines activités de Lehman Brothers.

Mais revenons à la première question, les leçons de la crise japonaise. Nous pouvons dire qu’il est bien trop tard. Notre expérience aurait dû nous souffler que le genre de folie qui a mené à la crise du « subprime » mènerait le monde sur le chemin de l’autodestruction que nous avions suivi à l’époque. Les banques japonaises, ainsi que les régulateurs financiers, auraient dû, sinon crier sur les toits, du moins murmurer à leurs homologues du reste du monde les conséquences possibles d’une telle situation. De quelle utilité a été l’expérience japonaise après l’événement ? Pourquoi donc n’étions-nous pas là pour mettre les autres en garde contre les mêmes erreurs que celles que nous avons commises il y a quelques années ?

Au point où nous en sommes, s’il y a une leçon à retenir de l’expérience japonaise, c’est la suivante : les systèmes de réanimation sont les dispositifs les plus difficiles à supprimer une fois qu’ils sont en place. En l’état actuel des choses, l’économie mondiale dans son ensemble est sur le point de devenir une gigantesque unité de soins intensifs, proposant injections de capitaux, garanties des prêts, assurance totale des dépôts. Tous les dispositifs possibles d’aide à la survie ont été mis en place pour relancer le système financier mondial.

Certes, il n’y avait pas d’autre solution. Quand il s’agit de vie ou de mort, toutes les mesures prises sont un mal nécessaire pour endiguer la crise. Toutefois, les équipements de réanimation devraient, par définition, ne représenter qu’un soutien temporaire. Le fait de s’appuyer sur de telles mesures de manière prolongée ne peut qu’engendrer des problèmes endogènes. Tel est certainement le message le plus important que peut aujourd’hui envoyer le Japon aux autres pays en matière de crise financière. Une fois ces systèmes de réanimation en place, la première chose à laquelle il faudra songer sera leur procédure de suppression. Sinon, ils persisteront à jamais, sans que l’on sache qui, du patient ou de la machine, maintient l’organisme en vie.

Après tout, le Japon n’est pas encore complètement affranchi de la politique de taux zéro qu’il a dû mettre en place pour lutter contre les conséquences déflationnistes de sa propre version de la crise du crédit. Nous ignorons encore comment se comportera notre économie dans un contexte de taux d’intérêt plus « normaux ». En outre, on peut très bien faire valoir que ce sont justement les taux zéro du Japon qui ont engendré à l’échelle mondiale ces excédents de liquidité à l’origine de toute cette fièvre financière. Les équipements de réanimation d’urgence sont en réalité trop dangereux pour être maniés avec légèreté.

Quant à la possibilité que les banques nippones deviennent les chevaliers blancs du système financier mondial, je ne parierais certainement pas dessus. C’est un sujet que j’ai déjà abordé dans cette chronique. On peut craindre que les institutions financières japonaises n’aient eu les yeux plus gros que le ventre, une crainte qui commence déjà à se vérifier avec la publication de leurs derniers résultats. Mais peut-être est-ce mieux ainsi, car le monde a certainement davantage à gagner de nos erreurs que de nos capitaux.

NORIKO HAMA est professeur à la « business school » de l’université Doshiha.

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