, Hiroshima Mon Amour : revisite d’un classique.

Ayant acquis une certaine notoriété en ce qui concerne les documentaires, Alain Resnais se voit confier la réalisation d’un documentaire sur la bombe H. Il se rend pourtant vite compte qu’un tel projet est impossible à réaliser étant donné la quinzaine de documentaires traitant déjà de ce sujet et surtout le peu de moyens qui lui a été accordé. Désireux que ce projet aboutisse à quelque chose, Resnais fait appel à Marguerites Duras et lui propose une collaboration. On passe alors d’un film sur la bombe à une histoire d’amour sur fond de guerre où la bombe serait présente comme « élément de paysage » et de réflexion.
Le film repose sur deux oppositions, voire un oxymore, que l’on retrouve premièrement dans le titre : « Hiroshima » (la guerre, la haine) et « mon amour » ( sentiment plus pur et plus personnel avec le « mon »). On retrouve aussi cette idée de contraste dans les histoires qui nous sont plus ou moins racontées : la Grande (Hiroshima), et la petite (celle avec l’allemand et le japonais). Deux destins s’opposent mais se rejoignent quand même : celui d’un pays et celui de la femme. En effet, elle va être bouleversée par le sort du pays même si elle n’en a rien vu. Ici, il est question de voyage : entre Paris et Hiroshima, entre le passé et le présent et même entre la cendre et la passion lorsque les deux corps sont enlacés.

Il est vrai qu’en ce qui concerne la temporalité le film peut paraître complètement décousu. Il est même difficile de pouvoir s’en souvenir avec exactitude après l’avoir vu. Resnais n’utilise pas de flash back, ce sont des briefes de morceaux qui reviennent en mémoire comme s’ils rattrapaient le présent (le meilleur exemple se trouve être la scène de la main du japonais qui se crispe et qui suscite chez sa maîtresse un « flash » de ce qu’elle a pu vivre dans le passé ). Ce n’est donc pas un retour en arrière mais plutôt un retour en avant, comme si le passé revenait hanter le présent : le film fonctionne en fait par écho visuel entre le passé et le présent. Au fil du temps, les flash finissent par constituer une image globale de ce qu’a pu vivre « Nevers » avec l’officier allemand (comme pour Nuit et Brouillard, il s’agit d’une logique de puzzle).

On retrouve encore ici le thème de la lutte contre le temps, le film témoigne en permanence de ce combat, et de l’impossibilité de capturer le passé, le présent. La mémoire nous échappe comme les amours passés. Nevers, la jeune femme, en est plus que consciente mais ne peut rien y faire et ce sentiment la ronge intérieurement. Elle sait qu’elle oubliera le Japonais comme elle a réussi à oublier l’Allemand. Ainsi, le fait que tout ceci soit incontrôlable renforce le côté effrayant du temps qui passe et de l’impossibilité d’un retour en arrière. Les quinze premières minutes du film nous plongent déjà dans l’univers de Resnais. Il est encore question de critiquer le documentaire, et cette fois d’une façon plus forte que précédemment. En effet, Resnais nous fait bien comprendre, à travers la séquence du musée, que la catastrophe d’Hiroshima est devenue une source de tourisme et donc de revenus (il nous livre ainsi un aspect véritablement malsain de ce que peut être cette forme de mémoire). Il critique donc une mémoire figée et monumentale. Les touristes n’ont finalement rien vu d’Hiroshima tout comme Nevers qui a elle aussi visité le musée. Le célèbre « tu n’as rien vu à Hiroshima » en plus d’être adressé à ce type de mémoire est aussi pour Marguerite Duras, la cause de son échec lorsqu’elle était atteinte du syndrome de la page blanche ; elle ne parvenait pas à voir quoi que ce soit pouvant être source d’un scénario.
En ce qui concerne le thème de la guerre et de la bombe, il est bel et bien présent. Effectivement, la guerre a été, pour chacun des deux amants décisive ; l’officier allemand a été tué mais l’architecte Japonais, parti se battre, a échappé à la bombe d’Hiroshima. Par rapport à Nevers, elle aurait pu périr à Nevers à la suite de la mort de son bien aimé mais elle a décidé de vivre, ayant compris que physiquement parlant il était impossible de mourir à la suite de blessures amoureuses. La bombe est quant à elle la source de la rencontre entre Nevers et Hiroshima (Nevers étant venue au Japon pour filmer un spot sur la paix). Les images d’archives que l’on voit ne sont qu’un aperçu des conséquences de la bombe et non des causes comme l’aurait voulu la compagnie ayant sollicité Resnais pour faire le documentaire.

Tout au long du film, la relation entre le japonais et la française évolue ; elle veut premièrement ne plus le revoir, puis hésite jusqu’à vouloir rester au Japon en prétextant qu’il est impossible de se quitter. Cependant, nous ne connaîtrons ni la fin de l’aventure ni les circonstances de leur rencontre. A part l’allemand, qui prend la place du japonais par moment (ou le contraire) on ne côtoie aucun autre personnage secondaire, comme si la ville d’Hiroshima était déserte et n’appartenait qu’à eux et à leur histoire. Au début du film, le passé de la jeune femme est comme celui d’Hiroshima ; elle ne le vit plus mais il est encore là. Pourtant, grâce à cette aventure, à la confession et la remémoration de son passé, Nevers apprend à accepter un passé refoulé. En le revivant complètement elle détient le pouvoir de l’accepter, de l’oublier et ainsi de se concentrer sur sa vie présente et non sur un refoulement. Par contre, on ne sait pas grand chose du Japonais, seulement qu’il représente la mémoire de tout un pays.
L’idée de l’écoulement est développé d’une façon très riche ; écoulement du temps, écoulement du fleuve, des pleurs, de la sueur et même du sang. Le montage joue un rôle très important dans la signification passé présent, en effet entre le passage de la ville de Nevers à Hiroshima les images semblent se détacher difficilement et pendant plusieurs secondes se superposent et se confondent (comme les deux corps enlacés d’ailleurs). Lors de son récit de folie, on voit bien que Nevers est en totale immersion dans son passé et ceci grâce aux sons ambiants qui disparaissent et à la sensation d’enfermement qui apparaît. Elle se voit pourtant ramener à la réalité lorsque son nouvel amant la gifle ; elle revient au présent et se rend compte qu’il y a de la vie autour d’elle. En agissant ainsi, il la sauve d’un éventuel moment de nostalgie et d’un retour en arrière douloureux.
En ce qui concerne les deux villes d’ Hiroshima et de Nevers, Resnais les filme d’une façon bien spécifique. Il les fait fusionner premièrement par des fondus enchaînés mais aussi par des travellings qui semblent toujours aller dans la même direction . On retrouve aussi des images mises en scène de manière quasiment identiques ; la main du japonais et de l’allemand, l’enlacement de Nevers avec sa mère puis de Nevers avec Hiroshima…Resnais aime donc l’idée de répétition et de récurrence que l’on retrouve d’ailleurs dans les clins d’œils cinématographiques qu’il fait tout au long du film : Casablanca (où l’on retrouve l’idée d’une histoire d’amour qui se passe dans une autre ville à un temps différent), Orphée (idée de liquéfaction) et pour finir Vertigo (idée de retrouver un amour perdu alors que ce dernier est mort). Ce film est tellement riche qu’il faudrait plus d’une dizaine de pages pour l’analyser dans ses moindres détails. Ainsi, pour conclure, nous pouvons dire qu’ Hiroshima mon Amour est une très belle histoire d’amour sans lendemain mais aussi une véritable réflexion sur l’oubli et sur cette mémoire qui ne nous appartient pas.

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