Stressés ou surmenés, des milliers de salariés japonais meurent chaque année à cause de leur travail, un fléau auquel l’archipel s’attaque timidement mais qui pourrait s’aggraver avec la crise.

Chez certains employés débordés, la suractivité provoque congestion cérébrale ou infarctus, tandis que des travailleurs démoralisés se suicident.

Apparu il y a longtemps au Japon, le « karoshi » (« mort au travail ») n’est reconnu que depuis quelques années par les autorités.

En 2007, la police a décompté 2.207 suicides et, selon l’avocat de proches de victimes, Hiroshi Kawahito, quelque 10.000 salariés ont été victimes d’un accident cardiaque ou cérébral, parfois mortel, à cause de leur travail.

Ces chiffres pourraient augmenter avec la récession économique qui tend les relations dans les entreprises, préviennent les experts.

Selon Me Kawahito, moins de 10% des incidents sont déclarés aux services sociaux, les victimes ou leurs proches renonçant face à la longueur des procédures ou au grand nombre de refus.

En 2007, 58% des demandes d’indemnisation ont été rejetées par le ministère du Travail, un taux qui dépassait toutefois les 95% il y a 20 ans.

« Il y a une pression de l’opinion pour que ce fléau soit mieux reconnu », explique l’avocat.

En mai 2007, le chef d’un chantier de la région de Tochigi (nord de Tokyo) a mis fin à ses jours. Il avait travaillé de 65 à 70 heures par semaine pendant six mois, avant de tomber malade et dépressif.

Prévenus, les services sociaux ont qualifié ce suicide d’accident du travail et octroyé à la veuve une pension annuelle de 3 millions de yens (24.000 euros).

« Le sujet reste tabou au Japon, les entreprises jugent que la santé mentale des salariés est un problème privé », souligne pourtant Hajime Urushihara, responsable des conditions de travail à la confédération syndicale Rengo.

Rengo a du mal à faire admettre le surmenage comme une anomalie, dans un pays où le quart des salariés travaille plus de 50 heures par semaine.

Jeudi au Parlement, le Premier ministre, Taro Aso, a répété que travailler dur était « l’une des valeurs du Japon ».

Le stress s’est en outre renforcé depuis la fin des années 1990 et le développement des emplois à temps partiel et temporaires, qui représentent aujourd’hui un tiers du total.

Ces employés précaires s’inquiètent pour leur avenir – 85.000 d’entre eux devraient se retrouver chômeurs d’ici mars des suites de la crise économique – et les salariés à plein temps qui restent doivent travailler davantage.

Le temps de travail n’est d’ailleurs qu’un aspect du problème, estime le docteur Tetsunojyo Uehata, chef du centre d’aide aux victimes du surmenage: harcèlement moral, échec professionnel et conflits avec les collègues sont les principales causes des suicides.

« Souvent, la hiérarchie ne se rend pas compte de la gravité de la situation », regrette le docteur, et le salut d’un employé souffrant vient souvent de la famille, plus prompte à réagir.

Encore faut-il que le travailleur stressé rentre chez lui.

Sadako, une jeune employée de bureau à Tokyo, raconte qu’elle ne décompresse pas après le travail: « On sort souvent entre collègues et on ressasse les problèmes du bureau… on ne s’aère pas l’esprit ! ».

Et les travailleurs fatigués n’ont plus d’échappatoire. « Après la guerre, les Japonais travaillaient beaucoup mais rêvaient d’améliorer leur condition. L’espoir semble avoir disparu désormais », s’inquiète le syndicaliste Urushihara.

Aucune classe sociale n’est épargnée, des journaliers multipliant les petits boulots… à l’empereur du Japon: Akihito a dû alléger son programme de fin d’année à cause d’un stress persistant lié à sa fonction, selon ses médecins.

[AFP->

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