Paris vaut encore la peine si vous avez plein d’argent et que vous recherchez le nec plus ultra. Mais c’est plutôt à Tokyo que les choses se passent en matière de gastronomie, du moins si l’on en croit les Français qui suivent ces tendances.

Lorsque le vénérable Guide Michelin a publié la première édition de son guide consacré à la ville de Tokyo, il était si élogieux qu’on aurait dit un communiqué de presse pour l’Association des restaurants du Japon. Sa conclusion: Tokyo est la capitale culinaire du monde.

Mais l’est-elle réellement?

Voici ce qu’on a dit chez Michelin: «Tokyo est une étoile brillante dans le monde de la cuisine», a déclaré le directeur des guides Michelin, Jean-Luc Naret, peu après la parution de l’édition sur Tokyo, en novembre dernier.

«Nous avons trouvé que les restaurants de la ville étaient excellents, qu’ils utilisaient les meilleurs produits, des talents culinaires et une tradition transmise de génération en génération que perfectionnent encore les chefs d’aujourd’hui.»

Le Guide Michelin de Tokyo a accordé pas moins de 191 étoiles à 150 restaurants de la capitale nippone, un nombre record d’étoiles jamais accordées à une ville. Auparavant, c’était Paris, avec 65 étoiles, qui en détenait le plus grand nombre. Huit restaurants à Tokyo – trois français, deux bars à sushi et trois restaurants japonais traditionnels – ont reçu la plus haute distinction des 3 étoiles.

Paris peut toujours se targuer d’avoir le plus grand nombre de restaurants avec trois étoiles, soit 10. New York n’en a que trois.

Une annonce en or pour Tokyo
L’annonce est une réelle aubaine pour le Japon, qui essaie depuis des années de redonner du lustre à une industrie touristique qui souffre des prix notoirement élevés du pays et d’une féroce concurrence d’attractions touristiques tout près de chez elle, notamment les légendaires quartiers commerçants de Hong Kong, les plages de Thaïlande et la ville de Shanghai, en train de s’imposer rapidement comme l’un des paysages urbains les plus intéressants d’Asie.

Les Japonais ont également vu dans les critiques élogieuses de Michelin, qui ont fait la manchette des journaux et ont été reprises dans tous les journaux télévisés, une confirmation de la valeur de quelque chose qu’ils considèrent comme une source de fierté nationale – leur maîtrise du sushi, du poisson cru et de tous les autres éléments subtils de la cuisine indigène du Japon.

Le Guide s’est vendu à 120 000 exemplaires en trois jours à peine.

C’était un honneur durement gagné pour Tokyo.

Le classement a été établi par une équipe de trois inspecteurs européens et deux inspecteurs japonais, qui ont passé une année et demie à visiter incognito 1 500 des quelque 160 000 restaurants recensés à Tokyo, selon Michelin. Le Guide note les restaurants selon l’excellence de la cuisine, du service, du cadre et de la tenue de l’établissement.

Scepticisme
Mais le battage médiatique autour du Guide Michelin a été accueilli avec beaucoup de scepticisme, surtout de la part des autres critiques.

Un choix particulièrement controversé a été celui d’un bar à sushi qui – bien qu’il figure sur à peu près toutes les listes pour sa qualité – est situé dans un sous-sol, est exigu même selon les normes tokyoïtes et partage ses toilettes avec d’autres locataires de l’immeuble. L’ambiance, semble-t-il, est une chose bien subjective.

Certains concurrents de Michelin disent que c’est toute la démarche de Michelin qui pose de sérieux problèmes. Pourquoi, par exemple, trouve-t-on autant de restaurants français parmi les trois-étoiles de Tokyo? Pourquoi n’y a-t-il aucun chinois, aucun italien, aucun palais de tofu?

«Il y a de nombreuses villes formidables dans le monde, a dit Tim Zagat, le fondateur des guides Zagat, à l’agence Associated Press. Tokyo est un excellent endroit pour manger. Mais Paris aussi est un excellent endroit pour manger. Rome l’est aussi.»

La question, dit-il, est de savoir si Tokyo est mieux. «Je ne pense pas qu’il soit utile de faire ce genre d’affirmation, estime Tim Zagat. Tokyo a les meilleurs sushis au monde. Mais, on ne trouve pas autant de diversité que dans les autres villes, et ce, de loin.»

Une cuisine délicieuse
Il ne fait aucun doute que le milieu de la restauration de Tokyo – le pays du «Chef de fer» – est exceptionnellement bien développé.

Selon Tim Zagat, il y a de nombreuses raisons à cela, le fait que les Japonais aiment bien manger, qu’ils ont de l’argent à y consacrer et que leur cuisine indigène est hautement raffinée et accorde une grande importance à la tradition, à la fraîcheur et à l’harmonie naturelle des ingrédients, n’étant pas les moindres.

Mais il y a une autre raison, cependant, à savoir qu’il n’est souvent pas question de recevoir chez soi, surtout pour les dîners d’affaires. Les logements sont toujours relativement exigus et souvent situés loin du centre-ville. C’est ce qui a favorisé le développement des restaurants qui vont des bistros de quartier à des secteurs entiers de la ville qui sont entièrement consacrés au divertissement après les heures de travail.

Yasuo Terui, rédacteur en chef du guide Tokyo Ii Mise, Umai Mise (Bon restaurant, délicieux restaurant à Tokyo), édité depuis 1967, également très critique du Guide Michelin, estime que Michelin n’a fait qu’effleurer la surface des richesses culinaires de Tokyo.

«Je ne crois pas que le Michelin connaisse quoi que ce soit du Japon», dit-il.

Il est toutefois d’accord pour reconnaître que Tokyo est le meilleur endroit au monde pour manger.

«Je crois que nous pouvons l’appeler la capitale culinaire du monde, dit-il. Quelle que soit la cuisine que vous essayez, il est difficile de vous tromper à Tokyo.»

Yasuo Terui attribue une partie du succès de Tokyo à l’émergence d’une génération de chefs japonais qui ont étudié la cuisine italienne, française, chinoise et autres cuisines du monde, et qui s’efforcent d’être créatifs en les mêlant à la cuisine japonaise traditionnelle.

Toutefois, ajoute-t-il, les guides ont des limites – il y a forcément de bons endroits que l’on oublie.

«On trouve de nombreux endroits dont on ne parle pas et où l’on mange bien quand on voyage en Europe, surtout dans les campagnes, remarque-t-il. Je suis sûr que c’est pareil au Japon.»

Mari Yamaguchi a contribué à la rédaction de cet article.

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