À la recherche d’un relais de croissance qu’ils peinent à trouver sur leur marché intérieur, les éditeurs japonais révisent leur stratégie basée sur l’unique vente de licences et réfléchissent à une réelle implantation en territoire étranger. C’était déjà le cas depuis 1986 avec Viz Media, filiale de Shogakukan aux États-Unis, bientôt rejoint par Shueisha en 1994. C’est maintenant au tour de Kodansha d’entrer dans la danse.

Après des mois de rumeurs, Kodansha, l’éditeur d’Akira et de Sailor Moon, s’est finalement installé aux États-Unis depuis le début du mois de juillet. C’est Yoshinobu Noma, vice-président de Kodansha, qui en prendra la tête. Soutenu par un capital de 2.000.000 de dollars, il s’occupera de développer et traduire les titres Kodansha aux USA. Parmi les premiers bouleversements produits par l’arrivée du géant japonais du manga, Dark Horse a perdu la license pour Akira et Tokyopop a annulé la parution des numéros 13 et 14 de Beck : Mongolian Chop Squad.

Cette arrivée nippone va-t-elle pour autant bouleverser le marché américain ? Pas immédiatement, si l’on tient compte des déclarations de Del Rey Manga Associate Publisher, principal éditeur des titres Kodansha depuis 2003, qui déclare que la maison japonaise ne lui a pas encore retiré toutes ses licences. L’éditeur US affirme d’ailleurs que cela ne remet pas en cause son calendrier de 2009, dont la présentation des nouvelles licences devrait se faire durant le Comic-Con de San Diego au mois de juillet [1] puis lors du festival d’animation de New York au mois de septembre. Dallas Middaugh, principal associé, annonce aussi que les négociations sont actuellement en cours pour 2010.

L’arrivée de Kodansha a de quoi faire réfléchir et inquiéter les éditeurs américains, mais aussi français, car elle est le signe d’une mutation profonde du marché de la BD.

Les mangas représentent désormais les premiers moteurs de la croissance de la bande dessinée, en tête des ventes des Graphic Novels aux USA tandis que, dans l’Hexagone, ils représentent plus du tiers des ventes. Rappelons la présence soutenue lors de la Japan Expo d’un autre géant japonais, la maison Shueisha, possesseuse des licences de Dragon Ball, Naruto ou Death Note. Beaucoup y ont vu un signe avant-coureur d’une future implantation de la maison japonaise en France concrétisée par l’arrivée à Paris de sa filiale Viz Media et ce, en dépit des propos rassurants de son président John Easum. « C’est sûr qu’ils s’intéressent à la France depuis longtemps » avait analysé Jean David Morvan lors de la manifestation parisienne rappelant l’essai d’implantation -raté- de Kodansha en France en 1989.

Aux États-Unis, le déclic était venu de Kodansha déjà qui, en 1997, confia ses licences à Stuart Levy le fondateur de Tokyopop qui eut l’idée de génie de sortir les mangas de la seule distribution en librairie spécialisée, testant des corners de la célèbre série shôjo de Kodansha, la magical girl Sailor Moon dans la grande distribution. Avec un succès percutant. Après trois ans, selon Stuart Levy, la distribution de Tokyopop dépassa les 2200 points de vente en grande distribution [i], soit davantage qu’en librairie spécialisée, avec en face un public complètement neuf. Tokyopop prit la tête de la publication de la bande dessinée en librairie générale en 2004 pour ne plus en être délogé, bientôt rejoint par DC Comics et Marvel, pour une fois réduits au rôle d’outsiders. Le label de Stuart Levy prit même pied en Allemagne, grâce à Joachim Kaps, l’ancien éditeur des éditions Carlsen.

Les compétiteurs japonais de Kodansha comprirent la leçon. Shogakukan, s’appuyant sur sa filiale Viz, s’allia avec Shueisha pour relancer sa marque américaine, avec la publication en kiosque de la version américaine de Shonen Jump en 2004. Marchant dans les pas de Tokyopop, ils lancèrent en grande distribution et en librairie leurs licences les plus fortes, assurant au marché américain une croissance comparable à celle de la France, également provoquée par la présence de bons films de super-héros en salle. Il en résulta, comme ici, un « âge d’or » commercial et créatif favorable à l’éclosion des Graphic Novels des labels indépendants.

Tokyopop poussa son avantage. Elle produisit rapidement sa propre ligne de global mangas, en réalité des mangas réalisés par des auteurs maison, qu’ils soient américains, étrangers, voire même japonais. En moins de quatre ans, quelque 25.000 pages de bande dessinée furent produites. Tokyopop s’implanta même directement au Japon pour les vendre sur ce marché. En juin 2008, la société californienne annonça la création d’une filiale de production cinématographique Tokyopop Media LLC, tandis que la société d’édition, Tokyopop Inc. réduisait sa production de 50%, donnant son congé à 39 de ses employés, d’autres étant repris dans le nouveau staff orienté vers le multimédia et produisant des films directement pour MySpace et Youtube, de même que des bandes dessinées pour les téléphones mobiles.

En réponse à cette stratégie et malgré une diversification dans la distribution de ses licences à d’autres éditeurs que Tokyopop, la société japonaise Kodansha ne pouvait que réagir. C’est ce qu’elle vient de faire en s’installant sur le sol américain.

En attendant la France ?

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