Le Japon connaît un nouveau boom de la viande. Depuis la libéralisation des importations de bœuf aux hormones venant des Etats-Unis en 1991, la consommation a fortement évolué. Pour preuve, le succès du festival de la viande de Tokyo, créée en mai 2014 par Kenji Sugizaki, qui vise à mieux faire connaître ce produit aux Japonais. Cependant, la consommation de viande est relativement récente et loin de l’image d’Épinal du noble wagyu hors de prix que peu de Japonais peuvent s’offrir. Ses procédés de production intensive qui visent à réduire les coûts en ajoutant de la graisse et des phosphates exposent les consommateurs au risque de malbouffe.

Une histoire défavorable à la consommation de viande

Avant l’ère Meiji (1868-1912), les Japonais ne mangeaient quasiment pas de viande. L’entourage de l’empereur considérait que la consommation de riz allait de pair avec une vie sédentaire, tandis que celle de la viande était plutôt considérée comme liée à un mode de vie primitif et nomade. Dans le même temps, la philosophie bouddhique dominante était opposée à la consommation de viande qui, comme le sang, souffrait d’une image d’impureté. Cette perception était profondément enracinée dans les croyances populaires. Résultat, elle fut l’objet d’interdiction par l’empereur Tenmu (631-686) et le Shogun Ieyasu Tokugawa (1543 -1616). La tendance s’est inversée à l’ère Meiji, quand la viande est devenue un symbole de la modernité. Yukichi Fukuzawa (1835-1901) fit partie des personnalités qui encouragèrent sa consommation. Pour lui, elle devait donner plus de vigueur aux Japonais. En 10 ans après le début de l’ère Meiji, plus de 500 restaurants de viande de bœuf ouvrirent ainsi dans le Kanto.

Un succès d’ampleur

Signe du récent boom de la consommation de viande, les revues gastronomiques y consacrent de plus en plus d’articles, comme le mensuel Dancyu, qui propose chaque année un numéro spécial « viandes » qui s’arrache en kiosques. Dans le quartier de Naka-Meguro, décrit par la presse comme « La Mecque » de la viande à Tokyo se trouve la boucherie du Buppa et un restaurant pionnier du gibier et de la viande maturée. Son chef Shintaro Nomura explique que, « depuis quatre ou cinq ans, les jeunes connaissent mieux ces produits ». Dans son restaurant, il propose une large gamme de viandes rares et se fournit auprès d’un réseau de chasseurs de tout l’archipel. L’écrivaine Junko Uchisawa, auteure notamment d’un Journal de voyage dans les abattoirs du monde, explique que «le Japon s’éveille aux plaisirs de savourer des rôtis, du gibier ou différentes pièces de viande ». Actuellement, les morceaux différents des côtes et de la poitrine sont toujours présentés hachés. « A l’avenir, les consommateurs devraient trouver une gamme plus large de morceaux disponibles » s’est-elle enthousiasmée dans une interview donnée à l’hebdomadaire Aera.

Le risque de malbouffe pointe

Mais la mauvaise qualité de la viande de consommation de masse nuance l’optimisme de certains spécialistes sur ce nouvel engouement alimentaire. Selon Kenji Yamamoto, consultant du secteur de la distribution alimentaire et auteur de l’essai « Dangers des aliments bon marché », « les falsifications et malversations sont très fréquentes ». Il souligne qu’un nombre croissant de produits carnés « sont vendus à des prix tellement bas qu’ils en sont inquiétants ». Selon K. Yamamoto, « les géants de l’agroalimentaire sont sous la pression des consommateurs qui veulent acheter toujours moins cher. Ils ont recours à des additifs puissants et n’hésitent pas à mélanger certaines substances à la viande pour en augmenter le volume. Pour obtenir la viande de bœuf persillée utilisée dans les restaurants, de la graisse à bas coût est injectée dans de la viande maigre ». Enfin l’usage des phosphates reste « inquiétant ». Ces phosphates donnent un aspect appétissant aux produits et permettent de fabriquer des morceaux de viande à partir de minerai et d’abats. La viande massivement importée n’est pas non plus une garantie de qualité. Avec un taux d’autosuffisance de 39%, le Japon dépend des Etats-Unis pour près d’un tiers de son alimentation, notamment pour les produits carnés. Dans les années 90, dans un contexte de tension commerciale avec les Etats-Unis, le Japon cède à la libéralisation des importations d’oranges et de viande bovine ; même celle issue d’animaux auxquels ont été administrés des hormones de croissance, pourtant interdites au Japon. Preuve que l’Archipel a dû concéder sur sa propre sécurité alimentaire.

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SourcePhoto © Jean-François Heimburger
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