Ce truc gluant, qui chlingue, est un superaliment. Et les Japonais en raffolent au petit déj.
C’est le titre auquel vous avez échappé pour ce numéro de Sencha, dédié à la fermentation. Provocateur, racoleur – bref, parfait pour une époque où les accroches viennent tout droit des vidéos courtes des réseaux sociaux, et où l’éthique journalistique s’efface devant la course aux «j’aime».
Je le sentais déjà en 2010, lors de la rédaction de mon mémoire en design sur le Japon. Très vite, j’avais identifié cette standardisation de la perception occidentale : un pays réduit à une poignée de clichés, transmis comme une recette de cuisine mal traduite depuis des siècles et de génération en génération. Les médias ont malheureusement continué à alimenter ces mythes, et les déconstruire demande une énergie que peu sont prêts à dépenser.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux et l’IA ont accéléré le processus, transformant la curiosité en fétichisme et la complexité en contenu jetable. Il ne se passe pas un jour sans qu’une information biaisée, approximative ou mensongère sur le Japon ne surgisse sur mon fil Instagram, le plus souvent relayée par des comptes douteux, complotistes, automatisés et malheureusement aussi de grands médias.
J’aurais pu vous parler de mes tartines de miso sur pain grillé – un délice, soit dit en passant –, mais il me semblait plus urgent de souligner le problème de cette soupe réchauffée de stéréotypes à l’heure du tout IA.
Avec Sencha, nous faisons le choix de laisser mûrir les thématiques, comme on laisse maturer un miso ou une sauce soja, même si c’est moins rentable, moins visible et moins «likable ».
Produire du contenu exige de préserver une conscience morale. S’en affranchir offre des facilités, des vues, l’illusion d’une réussite immédiate. Mais en abuser, c’est compromettre le bien commun et tout ce qui nous permet encore de faire société.
Alors non, je ne céderai pas à cette paresse intellectuelle. Nous continuerons à croire en un avenir où l’on pourra transmettre sans être manipulé par des idées reçues héritées du passé, où l’on prendra le temps de comprendre plutôt que de simplement consommer.
Alors, prêt à goûter un Japon qui a de la saveur, et pas seulement celui qui est «bankable»?
Excellente lecture.
PS : Vous l’aurez remarqué : ce numéro est plus épais que d’habitude. Huit pages supplémentaires, grâce à un partenariat avec la maison Ozeki, dont les sakés incarnent cette tradition japonaise de la fermentation. Un partenariat assumé, comme tous ceux que nous choisissons, parce que la transparence doit être de mise, dès lors que l’on ambitionne d’informer le monde.
Adrien Leuci – Directeur de la publication
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